Sur la sellette

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 26 septembre 2013 - 488 mots

C’est un meuble à la fois énigmatique et élégant : une sellette. Autrement dit, selon le dictionnaire Le Robert, « une petite selle, un tabouret ou, anciennement, un petit siège bas sur lequel on faisait asseoir les accusés pour les interroger ».

Mais point n’est besoin d’un interrogatoire en règle d’Éric Benqué, 42 ans, designer, sur ledit objet : « C’est une proposition de dialogue entre des matières. Ici, la brillance de l’or vient épouser la sombre matité du liège », explique-t-il. Ainsi, cette sellette est-elle constituée de pans de liège expansé assemblés, puis partiellement dorés à la feuille. Les matériaux, évidemment, ont été sélectionnés pour leurs qualités intrinsèques : « Le liège pour sa masse et sa légèreté, sa matité et sa noirceur ; l’or pour sa finesse et sa ductilité, sa couleur et son éclat. » Leur association est celle des contraires : le mat s’oppose au brillant, le sombre au lumineux, le rare au commun (ou presque…), le massif à l’extrêmement fin. Ces mariages inédits procurent, à n’en point douter, une certaine tonicité à l’objet.

L’effet est saisissant : l’or capte la lumière alentour et génère un environnement éclatant. Selon Éric Benqué, le défi était de fabriquer ce meuble en utilisant uniquement des éléments respectueux de l’environnement et de les mettre en œuvre en ayant recours le moins possible à de lourdes machineries. D’où le choix d’un processus manuel, une démarche familière chez ce designer qui a déjà œuvré avec moult artisans, que ce soit en Bourgogne, au Mali ou en Inde. On sait l’homme adepte également de la simplicité de la mise en œuvre et de la recherche de constructions économes en matière. Pour cette sellette, le designer a donc fait appel à deux artisans bourguignons avec lesquels il a l’habitude de travailler : un ébéniste, Emmanuel Joussot, et un doreur, Frédéric Richard. C’est ensemble qu’ils ont choisi les techniques de fabrication qu’ils allaient expérimenter. Car dans ce meuble, tout est visible : chaque assemblage et chaque coupe de l’ébéniste est apparente, idem pour la trace de chaque geste laissée par le doreur. Bref, un travail de précision extrême, autant au commencement, dans le dessin, qu’à la fin, dans la réalisation. Au final, un beau meuble dont la fonction première est de présenter et de mettre en valeur des objets. On peut le poser dans de multiples positions, mais toujours il conserve une douce étrangeté due à cet alliage peu orthodoxe entre liège et or, lequel lui donne parfois l’aspect d’un bijou.

À SAVOIR

La sellette a décroché cette année le prix Pour l’intelligence de la main, décerné par la Fondation Bettencourt Schueller, dans la catégorie Dialogues, qui récompense une collaboration exemplaire entre la main de l’artisan et l’imaginaire d’un créateur.

À VOIR

Éric Benqué est diplômé de l’École nationale supérieure de création industrielle et du Collège des hautes études en environnement et développement durable. Son travail est visible sur son site : www.benque.org

Légende photo

Frédéric Richard, Emmanuel Joussot, Éric Benqué, Sellettes, 2013, éditées par la Galerie Mouvements Modernes, 75 x 43 x 75 cm. © Photo : Thibault Breton/Galerie Mouvements Modernes.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°661 du 1 octobre 2013, avec le titre suivant : Sur la sellette

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