Design appliqué

S’engager, se divertir

Le MoMA démontre que le design actuel s’étend bien au-delà du mobilier et des objets

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 10 décembre 2013 - 669 mots

Certains ont trop souvent tendance à réduire le design contemporain à deux domaines : les objets et le mobilier. Ces vingt dernières années sont pourtant apparues de nouvelles directions accompagnées de nouveaux modèles économiques.

NEW YORK - Cette vaste exposition intitulée « Applied Design » [« design appliqué »], déployée au Museum of Modern Art, à New York, en dresse un panorama quasi exhaustif. Produits et meubles donc, mais aussi interactivité, interfaces, Internet, objets imprimés en 3D, visualisation de données, infrastructures ciblant l’action sociale, équipements d’urgence, espaces immersifs, bio-design, durabilité, scénarios critiques…, les « terrains de jeux » et champs d’expérimentation sont légion. Aussi l’exposition réunit-elle environ une centaine d’exemples « remarquables » de la collection design du musée, parmi lesquels des jeux vidéo récemment entrés dans le fonds.

Ici, l’imprimante 3D est reine, comme l’illustre cette coupe à fruits en poudre de nylon de l’Anglaise Amanda Levete, ou le rocking-chair Endless Flow du Néerlandais Dirk Vander Kooij qu’un robot a produit à partir de plastique recyclé. Imprimer en trois dimensions galvanise, semble-t-il, les esprits. Ainsi, le Slovaque Tomas Gabzdil Libertiny a fait fabriquer son vase Honeycomb par 40 000 abeilles, cellule par cellule et en une semaine. De son côté, l’Allemand Markus Kayser crée des objets, tel le Solar Sintered Bowl, en convertissant le sable du désert africain en une matière solide grâce à la chaleur brûlante du Soleil.

Le parcours, qui englobe tous les aspects de l’activité humaine – sciences, éducation, politique… –, évoque aussi quelques utilisations sombres du design, dans le domaine militaire par exemple. Mine Kafon est un appareil de déminage imaginé par Massoud Hassani, 30 ans, né en Afghanistan et réfugié en 1998 aux Pays-Bas, où il obtient le diplôme de la Design Academy d’Eindhoven. Cette « sphère » de 2 mètres de diamètre pour un poids de 80 kg est constituée d’un noyau métallique sur lequel viennent se fixer 150 tiges de bambou dotées de patins en plastique. Mue par l’énergie éolienne, elle détecte et fait exploser les mines antipersonnel et autres restes de munitions dissimulés dans le sol, afin que la population civile puisse à nouveau marcher sans danger. Équipée d’un GPS, son trajet permet de cartographier en temps réel les terrains « nettoyés ». Côté catastrophe naturelle, les deux Israéliens Ido Bruno et Arthur Brutter ont imaginé la Earthquake Proof Table, en particulier pour les salles de classe. Lors d’un séisme, elle procure un abri en « absorbant » les débris qui tombent. Une vidéo montre la résistance de la table à des chutes de charges de 500 kg, 800 kg et… une tonne. Impressionnant !

Innovations raisonnables
« Les designers évoluent à cheval entre les révolutions et la vie quotidienne : ils imaginent des innovations raisonnables et accessibles, afin qu’elles puissent être acceptées et assimilées, estiment Paola Antonelli et Kate Carmody, co-commissaires de l’exposition. L’une des tâches fondamentales du design est d’aider les gens à appréhender les changements. » Évoluer dans le monde numérique n’est sans doute pas le moindre. Ainsi, la Brésilienne Fernanda Bertini Viégas et l’Américain Martin Wattenberg personnalisent des logiciels comme « Wind Map », lequel, à l’aide d’un subtil graphisme et des données du National Weather Service [service météorologique des Etats-Unis], matérialise, heure par heure, les vents qui balaient les États-Unis. En témoigne aussi cette quinzaine de jeux vidéo, du Pac-Man du Japonais Toru Iwatani aux SimCity et The Sims de l’Américain Will Wright, en passant par le Tetris du Russe Alexeï Pajitnov, qui démontrent que le royaume de l’interactivité est parmi les plus créatifs du design.

Une créativité dans laquelle l’humour est loin d’être absent. Ainsi l’Anglais Freddie Yauner invente-t-il une animation façon panneau « Issue de secours » dans laquelle le petit bonhomme s’échappe vraiment (Signs of Life). Tandis que le Néerlandais Maarten Baas conçoit l’horloge Sweeper’s Clock à travers une amusante vidéo. Ses aiguilles sont, en réalité, deux tas d’ordures rangés en ligne droite que deux éboueurs balayent en temps réel dans le sens des aiguilles d’une montre et déplacent intégralement à chaque minute exactement.

APPLIED DESIGN,

jusqu’au 20 janvier 2014, MoMA, 11 West 53 Street, New York, www.moma.org, tlj sauf jf 10h30-17h30, le vendredi jusqu’à 22h.
Commissaires : Paola Antonelli, senior curator ; Kate Carmody, curatorial assistant, MoMA

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°403 du 13 décembre 2013, avec le titre suivant : S’engager, se divertir

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