Assemblage

Rauschenberg et la réalité cabossée

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 9 septembre 2005 - 564 mots

Le Mamac de Nice consacre une importante exposition aux œuvres de ses années 1980 et 1990.

NICE - Depuis son ouverture en 1990, le Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) de Nice poursuit une exploration de la scène artistique des années 1960 à aujourd’hui, en liaison avec
l’École de Nice. Une exposition de l’œuvre de Robert Rauschenberg était donc dans les cartons depuis longtemps, même si elle n’avait jamais pu aboutir, en raison notamment du lourd investissement financier nécessaire et de la fragilité des pièces anciennes de l’Américain. Le projet a finalement pu voir le jour cette année, grâce à l’implication de l’artiste. Presque l’intégralité des œuvres ici exposées provient de sa propre collection, à l’exception notable de Holiday Ruse (Night Shade) (1991), prêtée par The Menil Collection de Houston (Texas). L’exposition se concentre sur les années 1980 et 1990, un pan moins montré de la création de l’artiste, même si, en France, le Musée Maillol, à Paris, avait déjà présenté de juin à octobre 2002, sous le titre « Rauschenberg, les dix dernières années », des pièces issues des séries « Borealis », « Night Shade » et « Urban Bourbon », séries que l’on retrouve aussi à Nice.
Si ses œuvres récentes sont plus confidentielles, c’est parce que Robert Rauschenberg est un artiste déjà rentré dans l’histoire. Il fut longtemps soutenu par le grand marchand Leo Castelli, qui lui permit d’être le premier artiste américain à obtenir un Grand Prix international de peinture à la Biennale de Venise. Cet épisode – nous sommes en 1964 – marque pour nombre d’historiens de l’art la consécration de New York face à Paris en tant que capitale mondiale de l’art, dans un contexte profondément marqué par le pop art aux États-Unis, et par le mouvement des Nouveaux Réalistes en France.
Les œuvres présentées à Nice se situent dans la continuité de la pensée plastique de l’Américain depuis les années 1960 : des peintures réalisées suivant la technique de la sérigraphie d’une part, des sculptures d’assemblage d’autre part. Mais partout domine le métal, jusqu’à ses peintures mêmes réalisées sur un tel support. Nombre des œuvres exposées ont été réalisées dans le cadre du projet « ROCI » (« Rauschenberg Overseas Culture Interchange »), un programme qui a permis à l’artiste de faire le tour du monde et de découvrir et de comprendre les pratiques artistiques en vigueur dans une dizaine de pays. C’est au cours de ce projet qu’il a réalisé ses premières peintures sur métal, avant qu’elles ne soient dévoilées en 1985 au Chili. Les sculptures naissent quant à elles d’assemblages d’objets trouvés, portes ou radiateurs d’automobile, enseignes de stations-service, qui trouvent ici une seconde vie, souvent poétique. Partout l’artiste joue du collage des formes tirées d’un réel cabossé. Ces juxtapositions se retrouvent aussi dans ses photographies en noir et blanc, exposées ici en nombre. Elles figent des collages pris sur le vif dans une proximité esthétique troublante vis-à-vis des peintures et sculptures de l’exposition. Toutes témoignent en tout cas de la grande effervescence créative qui a animé Robert Rauschenberg dans les années 1980 et 1990,
et dont le Mamac rend compte de belle manière.

ROBERT RAUSCHENBERG, ON AND OFF THE WALL

Jusqu’au 8 janvier 2006, Musée d’art moderne et d’art contemporain, Promenade des arts, 06300 Nice, tél. 04 93 62 61 62, www.mamac-nice.org, tlj sauf lundi, 10h-18h. Cat., 224 p., ISBN 2-91354-864-4, 27 euros.

ROBERT RAUSCHENBERG, ON AND OFF THE WALL

- Commissaire : Gilbert Perlein, assisté de Sylvie Lecat - Nombre d’œuvres : 90 - Nombre de salles : 3

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°220 du 9 septembre 2005, avec le titre suivant : Rauschenberg et la réalité cabossée

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