Paroles d'artiste - Olivier Millagou

« Faire passer l’envers du décor de l’autre côté »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 11 décembre 2012 - 782 mots

Avec ses tableaux de sable blanc, Olivier Millagou revisite l’idée de paradis à l’Espace d’art Le Moulin, à La Valette (Var).

À l’Espace d’art Le Moulin, à La Valette, dans le Var, Olivier Millagou (né en 1974) revisite l’idée de paradis à travers le dépouillement extrême, tant de l’accrochage que de toutes nouvelles œuvres, parmi lesquelles une remarquable série de tableaux de sable blanc.

Frédéric Bonnet : Le néon « Paradise » (2012), qui ouvre le parcours, ne produit aucune forme de lumière mais uniquement de la chaleur. Souhaitiez-vous introduire d’emblée une forme de contre-emploi entre l’évocation, la fonction et l’usage ?
Olivier Millagou : Ce néon se pose d’ores et déjà en contre-emploi pour être installé dans une grande salle blanche et vide. Il agit comme un signal qui ne fonctionnerait plus ou pas. En revanche, il induit un tout autre effet lorsqu’on s’en approche puisqu’il émet une assez forte chaleur. Là où un néon devrait influer sur le visuel, celui-ci joue plutôt sur la sensation.

F.B. : Vous exposez de nouvelles cartes postales dont le revers laisse apparaître des palmiers en relief ayant été marqués au stylo (« Scratch Post Cards », 2012). Dans une série plus ancienne, les mêmes motifs étaient recouverts de Tipp-Ex. Constituaient-ils l’envers de la présente série ?
O.M. : En quelque sorte oui. Ici c’est l’envers qui importe, avec simplement l’apparition d’inscriptions censées informer d’une possible localisation, ce qui permet de laisser place à des images mentales, évocation de tel où tel endroit. En outre, les palmiers redessinés au dos à l’aide d’un stylo forcent le recto afin de le faire passer au verso où l’on n’en voit plus que la trace. Tout se passe cette fois-ci comme si l’envers du décor essayait de passer de l’autre côté.

F.B. : Le son est ici une donnée capitale puisque vous avez produit un disque réunissant plusieurs groupes. Pour quelles raisons ?
O.M. : L’idée de ce projet d’exposition est de placer le visiteur dans une lumière blanche si forte qu’il ne peut voir ce qui se passe derrière, même si à travers le titre « Paradise Sounds » et le néon Paradise on comprend qu’il s’agit là du paradis. J’ai demandé à six groupes de composer et de jouer leur musique du paradis. Ces six morceaux composent une bande-son pour l’exposition et sont réunis sur un disque en vinyle blanc, vierge de toute inscription.

F.B. : Avec cet environnement sonore, s’agissait-il de créer des conditions et des atmosphères différentes ?
O.M. : Ces sonorités sont une façon pour moi de partager ce projet avec d’autres artistes. De plus, la musique est programmée dans l’exposition de manière aléatoire, mais avec des temps de pause assez longs de manière à pouvoir percevoir également l’exposition dans le silence. Les six morceaux étant musicalement très hétérogènes, la perception des œuvres et de l’accrochage pourra varier selon le groupe qui accompagne le visiteur.

F.B. : Quelle est la genèse des tableaux réalisés avec du sable blanc (« Sand Paintings », 2012) ?
O.M. : L’idée première a été de voyager sur des plages de sable blanc à divers endroits du globe à travers Google Maps, et, chaque fois qu’un endroit m’intéressait, d’en extraire un morceau. J’ai conservé les tracés exacts de fragments de côte, que j’ai fait découper sur des panneaux de bois comme si tout n’était que du préfabriqué. Il s’agissait donc d’extraire des morceaux de réel de manière à recréer un décor qui, in fine, paraît factice, un décor où l’on pourrait choisir et prendre les morceaux qui nous plaisent. Cela permet de rendre artificielle une part de réel, d’autant plus que c’est du véritable sable blanc qui a ensuite été collé sur les panneaux.

F.B. : Ces pièces relèvent-elles plutôt du décor ou du tableau ?
O.M. : Elles tiennent des deux ! J’ai travaillé en pensant à de la peinture pour le côté face, en appliquant du sable blanc comme sur un tableau. Je souhaitais que l’effet plastique soit le plus simple possible, comme si l’on avait véritablement retiré un morceau de plage dont le revers ne serait simplement qu’une structure porteuse. Le bois, les découpes et le fait de poser les peintures au sol, tout cela relève plus du décor.

F.B. : Se détacher du contexte conduit finalement à une abstraction…
O.M. : L’abstraction est clairement définie dès lors qu’un simple morceau de plage est prélevé. C’est pourquoi toutes ces pièces portent le titre de « Sand Painting », sans aucune indication quant à leur localisation originelle.

OLIVIER MILLAGOU. PARADISE SOUNDS

Jusqu’au 20 janvier 2013, Espace d’art Le Moulin, 8, av. Aristide-Briand, 83160 La Vallette-du-Var, tél. 04 94 23 36 49, tlj sauf lundi 15h-18h, samedi 10h-12h et 15h-18h.

Voir la fiche de l'exposition : Olivier Millagou : Paradise Sounds

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°381 du 14 décembre 2012, avec le titre suivant : Paroles d'artiste - Olivier Millagou

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