Paroles d’artiste - Éric Baudart

« J’essaie d’« ergonomiser » des éléments du réel »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 2 février 2011 - 716 mots

Avant d’exposer à la Fondation d’entreprise Ricard, Éric Baudart (né en 1972) est le prix Meurice pour l’art contemporain 2010-2011. Il occupe la galerie Chez Valentin, à Paris, avec un accrochage très rigoureux d’œuvres hétéroclites.

Par la perspective qu’elle développe dès l’entrée, à travers un Aquarium rouge (2011), une grande Bande à poncer (2011) bleue et un Plexi jaune (2011) sur le mur du fond, cette exposition donne l’impression d’un développement en volume à partir d’une image plane. Avez-vous travaillé sur cette idée ?
Pas spécifiquement. En revanche, ce qui est intéressant, c’est que je travaille toujours sur plusieurs projets à la fois, et toutes ces simulations se télescopent sur mon écran d’ordinateur. Vous avez parlé de couleur, or je me rends compte qu’au final, dans une exposition comme celle-ci, composée de cinq ou six œuvres, les couleurs se combinent assez bien. Mener de front plusieurs projets contribue en effet à régler des choses, tant sur le plan de la couleur que des volumes des pièces entre elles. Lorsque vous évoquez une « image plane », il s’agit également du support sur lequel je mets les choses en place, c’est-à-dire l’écran de l’ordinateur. Il y a donc sans doute quelque chose de cet ordre. 

L’ensemble est très hétéroclite. Comment travaillez-vous ensuite avec un espace donné ?
Cette exposition n’est absolument pas le fruit d’un projet global. Toutefois, différents projets s’entremêlent, et chacune des pièces, d’une certaine façon, m’apporte une solution ou une réponse à une autre. Je me suis récemment surpris à dire qu’on peut voir le choix opéré sur les œuvres présentées comme un bouquet de fleurs ; il s’agit d’une réunion.

Vos étonnants tableaux ovales en résine polyester (Cryst, 2011) ont nécessité beaucoup de recherches. L’idée même d’expérimenter la matière vous intéresse-t-elle ou s’agit-il simplement d’un outil ?
Souvent, lorsque j’évoque mon travail, je commence à dire qu’il est question de choses assez élémentaires, plutôt proches de moi. Mes œuvres relèvent fréquemment des principes de la physique ou de la chimie : la courbe, la densité, une question de lumière… Je n’ai pas fait d’études dans ce domaine, il faut donc forcément faire des essais, et en effet il y a quelque chose qui me plaît dans le fait de chercher. Pour ces tableaux, j’ai utilisé la résine afin d’obtenir la forme assez précise que j’avais en tête. Ce qui m’intéressait, c’était ce matériau passant de l’état liquide à l’état solide. Ces pièces m’ont justement permis une sorte d’arrêt sur image sur un processus. Mais je préfère que les gens les voient comme si elles étaient tombées du ciel. Ensuite, si on m’interroge là-dessus, je parle facilement du processus. Mais on s’en fiche complètement que les Cryst soient laborieux à faire.

Votre travail se situe-t-il dans une problématique de représentation ?
Je ne crois pas. Par exemple, dans ma prochaine exposition à la Fondation d’entreprise Ricard, je vais présenter une méduse, qui est un travail issu au départ d’un accident. Les caractéristiques de la méduse, cette espèce d’animal transparent, d’alien, m’intéressent, mais je ne dirais pas que mon travail représente quelque chose. C’est délicat parce que, par « représentation », on imagine quelque chose de totalement reconnaissable, saisissable. Parler de représentation dans mon travail ne me dérangerait pas, mais qu’est-ce que je représente ?  

Avez-vous le sentiment de trairer de la réalité ou cherchez-vous un ailleurs ?
J’essaie effectivement de pointer des éléments du réel et de les « ergonomiser » un peu, de façon à les rendre saisissables. Pour certaines de mes œuvres, je vais aller chercher une caractéristique, une particularité d’une chose vue, qui dans sa nature n’est pas représentable ou montrable. Je vais donc essayer de croiser des paramètres de telle façon que la chose apparaisse. Je peux trouver des contre-exemples, mais je suis assez dubitatif face à des artistes qui disent qu’ils créent un monde. La réalité est tellement vaste que je n’ai pas du tout le sentiment de créer un monde. J’ai plutôt l’impression de pointer des choses. Je n’ai pas l’impression de quitter la réalité.

ÉRIC BAUDART. PREVIEW

jusqu’au 19 février, galerie Chez Valentin, 9, rue Saint-Gilles, 75003 Paris, tél. 01 48 87 42 55, www.galeriechezvalen tin.com tlj sauf dimanche-lundi 11h-13h, 14h-19h. Éric Baudart exposera à la Fondation d’entreprise Ricard, à Paris, du 11 février au 26 mars.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°340 du 4 février 2011, avec le titre suivant : Paroles d’artiste - Éric Baudart

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