Galeries

Parcours design

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 7 octobre 2005 - 804 mots

Jongerius, Tallon, Prouvé, Arad et Ruyant en vedette cet automne à Paris.

À Paris, cet automne, les expositions de design se bousculent au portillon. Dans le 13e arrondissement, la galerie Kreo montre une série de petits meubles, des « Cupboards » ou mini-vaisseliers, de Hella Jongerius. Le travail associe, en fait, matériaux « anciens », comme les morceaux d’un vieux buffet en bois, et matériaux « nouveaux », tels des bouts de plastique découpés sur des panneaux ayant notamment servi pour les scénographies des précédentes expositions de la designer néerlandaise. « À quel moment le nouvel objet passe-t-il de son ancien à son nouveau style ? » s’interroge Jongerius. Cette mise en abyme de matières et de formes pose aussi une autre question : quand la récupération épuise-t-elle la création ? Davantage étonnantes sont ses nouvelles lampes, sorte de Culbutos emmaillotés dans un fourreau de perles de couture.

Cloches de verre
Non loin, chez Jousse Entreprise, Roger Tallon est à l’honneur, avec des meubles – tabouret, chaise, fauteuil, table… – réalisés dans les années 1960. Les assises arborent une structure en aluminium poli recouverte d’une épaisseur de mousse noire. « L’idée m’est venue un jour, alors que je marchais rue des Écoles, devant le magasin de sport Au vieux campeur, explique Tallon. Je passais très précisément au moment où un coup de vent a fait se retourner les tapis de sol qui étaient exposés là. J’ai vu alors cette mousse noire hérissée de picots pyramidaux qui servaient à isoler du sol. J’avais trouvé un matériau idéal pour recouvrir mes chaises. » À noter que le propriétaire de la galerie, Philippe Jousse, vient tout juste d’ouvrir une antenne dans le 6e arrondissement, dans l’ex-Galerie Roxane Rodriguez. Ce nouveau lieu a des allures infiniment plus « déco », à l’opposé donc du « White Cube » du 13e arrondissement, mais on y retrouve néanmoins le fonds de catalogue habituel – Mouille, Prouvé, Jouve, Matégot… –  et quelques surprises, comme ces amusants tabourets hauts de Jean Royère, dont l’assise est… un ballon de football en cuir.
En face, au no 33 de la rue de Seine (6e arr.), la Galerie Down Town remet le couvert avec Ron Arad. Après l’avoir porté au pinacle l’an passé sur son stand de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), ce qui a, semble-t-il, porté ses fruits (lire le JdA no 221, 23 septembre 2005), François Laffanour propose, en ses murs cette fois, une « rétrospective » en une vingtaine de pièces. On peut ainsi voir quelques-unes des premières créations du designer anglo-israélien, comme sa chaîne stéréo en béton (Concrete Stereo, 1983), et en état de marche, ou ses fauteuils Rover Seat (1981), fabriqués avec de vrais sièges de voiture. Est aussi montrée cette étrange chaise longue Oh Void (2002), conçue en fibres de carbone et en Nomex, un papier imprégné de résine. Passé maître dans l’art de décliner à l’envi les formes et les matériaux, Ron Arad réutilise, cette fois, un maillage métallique semblable à celui de la fameuse chaise Narrow Papardelle (1992), qui était alors assurément original, pour en recouvrir une série d’assises en Inox poli, baptisée « Blo Void » (2005), son dernier travail. Le résultat est plutôt... clinquant !
Non loin de la Galerie Down Town, la Galerie 54 présente, elle, des « acquisitions récentes, chefs-d’œuvre des années 1930 ». Jean Prouvé – évidemment ! – est l’auteur, notamment, du clou de l’exposition, une table à pied unique réalisée à Nancy entre 1926 et 1930, et qui n’a rien à envier
à l’univers de l’aviation, avec son profil épuré. À côté de fauteuils à structure en tôle perforée et assise en Plexiglas, que le même Prouvé a conçu avec Jacques André, la galerie présente aussi cette paire de fauteuils Club de Michel Roux-Spitz (1888-1957), en provenance directe de la villa Greystones, à Dinard (Ille-et-Vilaine), à l’époque propre résidence de l’architecte.
Enfin, rive droite, chez Tools Galerie, Frédéric Ruyant, de retour d’un séjour sur le mont Athos, en Grèce, se frotte à la religion et s’attelle à une quête bien difficile : chercher la vérité dans le design.
« In Design Veritas » regroupe ainsi quatre objets, peu orthodoxes. Son travail le plus aérien sont ces cloches de verre Mater Fragile, délicat exercice sur un monde dont on veut à tout prix se protéger, et puis pas totalement, finalement.

- HELLA JONGERIUS, jusqu’au 29 octobre, Galerie Kreo, 22, rue Duchefdelaville, 75013 Paris - ROGER TALLON, jusqu’au 29 octobre, Jousse Entreprise, 24 et 34, rue Louise-Weiss, 75013 Paris - Jousse Entreprise, 18, rue de Seine, 75006 Paris - RON ARAD, jusqu’au 30 octobre, Galerie Down Town, 33, rue de Seine, 75006 Paris - ACQUISITIONS RÉCENTES, CHEFS-D’ŒUVRE DES ANNÉES 1930, jusqu’au 12 novembre, Galerie 54, 54, rue Mazarine, 75006 Paris - FRÉDÉRIC RUYANT, jusqu’au 19 novembre, Tools Galerie, 119, rue Vieille- du-Temple, 75003 Paris

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°222 du 7 octobre 2005, avec le titre suivant : Parcours design

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