Pyrex

Nu comme un verre

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 30 juillet 2007 - 523 mots

Qui n’a pas dans sa panoplie d’ustensiles de cuisine un plat Pyrex ? L’objet est aujourd’hui tellement connu que l’on a fini par assimiler le mot « Pyrex » au nom du verre dont il est fait alors qu’il s’agit en fait de la marque. Le verre, lui, est du « borosilicate », mélange développé au XIXe siècle par un verrier allemand et qui se compose en particulier d’acide borique et de silice. Le 21 octobre 1879, l’ampoule électrique qu’invente Edison est conçue dans un verre borosilicate alors fourni par la firme américaine Corning Glass Works (CGW). En 1912, deux de ses chercheurs découvrent la formule idoine du verre borosilicate. Celui-ci possède deux caractéristiques essentielles : sa dureté et son faible coefficient de dilatation, qui font qu’il résiste à merveille aux chocs thermiques. Il servira notamment à fabriquer les lanternes de signalisation du réseau ferroviaire. La légende veut qu’en 1913, la femme du patron du laboratoire de recherche de la CGW suggère à son mari de tester ledit verre dans son propre four. Ce dernier lui apporta une base de lanterne et madame y confectionna un cake. La cuisson fut, paraît-il, parfaite. Le premier plat Pyrex venait de naître et, deux ans plus tard, une gamme complète était prête à conquérir les cuisines états-uniennes.
En près d’un siècle, succès aidant, la création en interne se suffit à elle-même. Pis, des années 1950 jusqu’à nos jours, les lignes n’évoluent guère. Jamais la marque ne fit appel à un créateur extérieur. C’est chose faite aujourd’hui avec le lancement d’une nouvelle marque haut de gamme baptisée « Pyrex Elegance », dont la partie « verre » a été dessinée par George Sowden, designer né à Leeds en 1942 mais installé à Milan depuis 1969. L’homme n’a pas été choisi au hasard. Outre qu’il a participé avec son confrère italien Ettore Sottsass à la fondation du fameux groupe Memphis, Sowden est également très au faîte du design industriel, depuis ses premières collaborations avec la firme Olivetti dans les années 1970.
Comment alors s’attaquer à un mythe, « l’icône culinaire de la praticité et de la solidité » (dixit Pyrex) ? « Ce qui m’intéressait, explique George Sowden, c’est la qualité du produit. Pyrex est une marque qui fait partie de notre patrimoine. Il était donc primordial pour moi de conserver son identité ». Le designer y est donc allé par petites touches, quasi-invisibles à l’œil nu. « Tout ce que je fais est sobre et simple, dit-il. Les détails compliqués ne m’intéressent pas ». Sowden dessine ou plutôt redessine trois produits (1) : une cocotte et deux plats à four, l’un ovale, l’autre rectangulaire. Il s’attache à l’ergonomie, joue avec l’épaisseur du verre, plus dense à la base par exemple. Les formes s’adoucissent. Les rebords sont plus agréables au toucher, les anses plus confortables. « Ne serait-ce qu’il y a dix ans, nous n’aurions pas pu obtenir un tel résultat, explique le designer. Ce n’est que grâce aux évolutions récentes de l’outil numérique que nous sommes parvenus à ce degré de précision jamais atteint auparavant ». Et il y a soudain comme une évidence qui sourd de cette exactitude infime.

(1) En vente à partir de septembre dans les grands magasins et détaillants spécialisés. Prix : de 22 à 28 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°260 du 25 mai 2007, avec le titre suivant : Nu comme un verre

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