Architecture

Nouvelles du front

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 4 février 2005 - 652 mots

L’année 2004, au plan architectural, s’est achevée en beauté avec le couronnement du Centre national de la danse de Pantin. Claire Guieysse et Antoinette Robain ont, avec cette réhabilitation-reconversion exemplaire, saluée par le Journal des Arts (n° 195, 11 juin 2004) quelques mois plus tôt, obtenu l’Équerre d’argent, le prix annuel très convoité décerné par notre confrère Le Moniteur.
Toujours en décembre, les principaux services du ministère de la Culture ont enfin pris possession l’îlot des Bons-Enfants, à deux pas de la rue de Valois. Un ensemble d’immeubles hétéroclites, unifiés par Francis Soler, au moyen notamment d’une carapace poreuse, dentelle de métal dont on ne sait si elle est cotte de mailles, claustra ou moucharabieh. Ceci après dix ans d’une valse-hésitation déjà analysée par le Journal des Arts (n° 179, 24 octobre 2003).
Depuis la Closerie des Lilas, le boulevard de Port-Royal glisse en pente douce vers le carrefour des Gobelins, enjambant curieusement, en sa partie basse, les rues Broca et Pascal. Mais, c’est en sa partie haute que le boulevard organise sa confrontation la plus prégnante. Là, l’hôpital Cochin fait face à celui du Val-de-Grâce dominé par la somptueuse coupole de la chapelle, le plus bel exemple du baroque français.
Mais voici que s’est faufilé entre les deux, côté Cochin, un nouveau bâtiment tout de verre et de vert, la Maison des adolescents, signée Jean-Marc Ibos et Myrto Vitart, qui développe ses activités sur un peu plus de 6 000 mètres carrés.
Tout en longueur, ce nouvel établissement, financé à hauteur de 20 millions d’euros par l’Assistance Publique et la Fondation des hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, ardemment souhaité par Bernadette Chirac, a pour vocation d’accueillir des adolescents en détresse. Le rez-de-chaussée, parfaitement transparent et traversant, laisse apparaître depuis l’esplanade les jardins de l’hôpital Cochin, et accueille les cabinets de consultation, les bureaux et le pôle de recherche. Les trois étages sont réservés à l’hospitalisation (20 lits) et aux activités (salle de danse, salle de musique, bibliothèque, ateliers, salles à manger…). Isolées ou regroupées par quatre autour d’un espace commun, les chambres, tout autant que les parties communes, bénéficient d’un traitement de faveur : matériaux, finitions, couleurs, revêtements, lumières, mobilier y sont d’une qualité très inhabituelle en milieu hospitalier. Quant au bâtiment lui-même, si sa façade nord, sur le boulevard, se veut linéaire et discrète, il se fait soudain mouvant, vibrant au sud, côté jardin. L’ombre des arbres s’y projette tandis que des myriades de brise-soleil en animent la modénature. Enfin, une immense terrasse qui se déploie sur toute la longueur et la largeur du bâtiment conclut l’ensemble.
Certes, l’engagement de Bernadette Chirac dans cette aventure a beaucoup fait pour les moyens et la qualité du lieu. Et l’on se prend à rêver que tous les établissements hospitaliers puissent bénéficier des mêmes attentions et des mêmes résultats.
La province, elle aussi, bouge bien et multiplie les opérations de réhabilitation-reconversion. En flèche, la ville de Redon où l’association Manivel’ a investi une friche industrielle sur la presqu’île constituée par la Vilaine et le canal de Nantes à Brest. Là, face au port, l’architecte Olivier Baudry a basculé l’ancienne usine Garnier dans l’univers cinématographique. Soit cinq salles au confort extrême, articulées et programmées en forme de pied de nez aux multiplex, parangons de la consommation filmique indissociable du soda et du pop-corn… Dans une écriture architecturale tout aussi respectueuse de l’existant qu’imaginative dans ses prolongements contemporains.
Retour à Paris avec la mise en chantier de la salle Pleyel par l’architecte François Céria. Le petit bijou de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, oscillant entre Art déco et modernisme, l’un des fleurons de ce « quartier perdu » cher à Patrick Modiano, et où se confrontent les étranges coupoles orthodoxes de l’église russe de la rue Daru et les allées du mélancolique parc Monceau, réouvrira enfin ses portes en 2006. Avec une programmation musicale «  ouverte à toutes les esthétiques » et sur laquelle nous reviendrons.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°208 du 4 février 2005, avec le titre suivant : Nouvelles du front

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