Paroles d’artiste

Matt Mullican : « Mes collections sont des miroirs de mon travail »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 2 octobre 2013 - 750 mots

À la galerie Nelson-Freeman, à Paris, Matt Mullican confronte ses œuvres à celles de sa propre collection.

C’est une exposition particulière que propose Matt Mullican à la galerie Nelson-Freeman, à Paris. Il y confronte ses œuvres à la diversité de ses propres collections, permettant d’établir de nouvelles relations et modes de lecture de son travail.

Vous donnez à voir de nombreux objets de votre collection personnelle. Souhaitiez-vous aborder là vos influences ou l’impact de cette collection sur votre travail ?
La plupart de ces objets n’ont jamais été exposés, mais j’ai déjà montré une partie de cette collection dans un autre contexte, notamment les Sandpapers [des paysages au fusain et poussière de marbre du milieu du XIXe siècle] au Drawing Center ou au Folk Art Museum à New York, totalement séparés de mon propre travail. J’ai aussi montré des pièces collectionnées devenues une partie de mon travail par le passé, comme des « bulletin boards » : des panneaux sur lesquels j’accroche des images. Certaines sont les miennes, viennent de la rue ou sont le fruit de mes accumulations. Je collectionne des photos, des journaux, des albums photos, des ensembles de cartes postales. Il y a aussi une figurine égyptienne (Ramsès, ca. 1200 av. J.-C.) que j’ai eue quand j’avais 8 ans, des bandes dessinées, etc. Je n’ai jamais vendu une seule de ces pièces et je possède beaucoup plus que ce qui est exposé ici. En général, je collectionne des choses révélatrices de ce que je fais qui reflètent mes centres d’intérêts, et j’ai pensé intéressant de faire une proposition qui exposerait ce miroir. Et il y a aussi toutes ces lignes de partage entre ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas. Je pourrais modifier quelques éléments autour et faire de tout cela mon œuvre. Cela m’intéresse de tester ce genre de limites.

Considérez-vous votre relation avec la cartographie ou la manière de portraiturer des territoires comme essentielle ?
Je suis très attiré par la cartographie en effet, les globes, les photographies de la terre ; j’en ai d’ailleurs une vintage très célèbre. Les volumes de Piranèse qui sont exposés ici sont une chose fantastique. À l’époque où je les ai achetés, je travaillais sur l’environnement informatique virtuel et les villes virtuelles et j’y ai vu de grandes similitudes. Je pense que la meilleure œuvre en rapport à cela est Art in Society (2012). C’est un livre que j’ai cherché pendant trente-cinq ans. Il démontre pour moi la manière dont je pense à un sujet. Je voulais faire un collage avec, juste tirer de nombreuses images de ce livre et les mettre sur des panneaux, dans la galerie, de manière à ce que les gens en perçoivent le sens. Cela crée une certaine confusion, une sorte d’aller-retour généré par l’exposition.

Qu’est-ce qui vous motive à travailler autant par séries, avec le collage ou l’assemblage…
Ce sont des livres ! Ces travaux représentent des livres. Ce ne sont pas des livres dans le sens où ils n’ont pas été publiés, mais ils en adoptent la forme. Les mettre sur les murs est une autre façon d’entrer dans les détails. C’est une sorte de carte car les livres suivent un ordre, celui des pages. Mettre des livres aux murs permet aussi de se mettre dans une sorte de situation de recherche. Il s’agit moins de l’objet que du sujet.

La disposition de cet accrochage est-elle une manière de créer un équilibre entre réel et inconscient dans votre travail comme dans votre collection ?
Absolument ! La conscience de l’image est l’un des principaux intérêts de mon travail. Les images n’ont pas de conscience, elles sont seulement des images. Vous pouvez voir une image comme une chose vivante ou morte. Je m’intéresse aux deux : aux objets qui ont un charisme, comme les objets religieux qui ont du pouvoir, et aussi à ces lignes et au pouvoir que nous donnons aux objets dans les images. Et cette relation est contextuelle. Quand je montre mon travail sur un panneau, je ne fais que rassembler des objets. Que se passe-t-il si les choses qui ont le plus de valeur sont mises au même niveau que des choses qui ne signifient rien pour moi ? Une photo de mes enfants à côté d’une photo de quelqu’un dont je ne sais rien ? Cela conduit à porter les choses à un niveau unique quand vous les transposez dans un second contexte. Et vous avez raison, le subconscient, la manière dont vous collectionnez, pourquoi collectionnez-vous, que collectionnez-vous

MATT MULLICAN. COLLECTING FOR THE STUDIO. COLLECTING 1959-2013

Jusqu’au 9 novembre, Galerie Nelson-Freeman, 59, rue Quincampoix, 75003 Paris, tél. 01 42 71 74 56, www.galerienelsonfreeman.com, tlj sauf dimanche-lundi 11h-13h/14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : Matt Mullican : « Mes collections sont des miroirs de mon travail »

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