Marlene Monteiro Freitas - Le diable au corps

Par Céline Piettre · L'ŒIL

Le 22 janvier 2013 - 370 mots

La jeune chorégraphe fait monter les créatures hybrides de Jérôme Bosch sur scène au milieu des jardins de Cranach.

Paraiso en portugais. Paradis en français. La création de la jeune Capverdienne Marlene Monteiro Freitas – qui vit à Lisbonne – réactive sur la scène du Centre Pompidou les jardins d’Éden de Bosch ou de Cranach et les mosaïques de Santa Maria Assunta de l’île de Torcello. Ces mondes inquiétants et fantasmés, ambivalents, qui rendent poreuse la frontière entre le bien et le mal, entre délices célestes et supplices de l’enfer.

Le paradis de Marlene est noir et luisant comme la surface d’un lac dont on devine les profondeurs grouillantes. Et où glissent à loisir nos projections. Les cinq interprètes – dont la chorégraphe – s’emparent de la folie de ces paradis picturaux, et transcrivent l’énergie singulière. Un personnage au bec d’oiseau marche sur les mains, rappelant les estropiés et les êtres hybrides de Bosch. D’autres chantent à tue-tête, ailes déployées et griffes dehors. On ne sait plus très bien distinguer l’envers de l’endroit. La scène s’échauffe comme exposée aux vapeurs infernales. Ici, l’Éden est une métaphore de la création au sens large. Plus dionysiaque qu’apollinienne. Territoire d’expériences, de sensations et d’intensités variables.

C’est ce que cherchent Marlene Monteiro Freitas et son collectif Bomba Suicida : « Emmener le public vers des émotions » par la danse et par la musique. « Au Cap-Vert, le corps sert à transmettre les sentiments inexprimables par la parole », explique la chorégraphe. Elle l’a prouvé à plusieurs reprises, par son show électrique pour la pièce Mimosa et sa Guintche interminable, qui nous a laissés sans mots en 2010. Marlene Monteiro Freitas est de ces performeuses qui ont le diable au corps, et transporte cette fureur partout avec elle.

Marlene est un passeur, une caisse de résonance, possédée par des flux de sensations qui viennent déformer la surface de la peau, du visage au bassin, retenant au passage les dissonances. Elle est tout à la fois sorcière, guérisseuse, rock star, et ses spectacles sont des mondes qui se créent et se détruisent simultanément. Paradis ou enfer, peu importe.

QUOI ?
« Paraiso, colecçao privada » de Marlene Monteiro Freitas.

OÙ ?
Au Centre Pompidou, Paris-4e.

QUAND ?
Du 13 au 15 février 2013, à 20 h 30. Le spectacle sera présenté en juin au festival Uzès danse à Uzès (Gard).

COMMENT ?
www.centrepompidou.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°654 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Marlene Monteiro Freitas - Le diable au corps

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