Biennale

Lódz highway

Par Christophe Domino · Le Journal des Arts

Le 22 octobre 2004 - 715 mots

La ville polonaise accueille sa première biennale d’art contemporain qui réunit une soixantaine d’artistes dans une ancienne usine textile.

 LODZ - Si elle est une première sous cette dénomination, la Biennale de Lódz s’inscrit dans la suite du projet conduit depuis plus de vingt ans par Ryszard Wasko, le créateur de l’International Artists Museum en 1990, dans le mouvement de cette série d’événements organisés sous le titre de « Construction in Process » à Lódz, à partir de 1981. Le principe d’exposition internationale, au centre de cette biennale, est d’offrir une alternative à la concentration d’autorité du commissaire unique, puisque la sélection des artistes est assurée collégialement par un groupe de conseillers familiers des lieux, un comité de sélection constitué tant d’artistes (Leon Golub (décédé en août), Lawrence Wiener, Emmett Williams) que de critiques (les New-Yorkais Robert C. Morgan ou Gregory Volk) ou de conservateurs (Anda Rottenberg de Varsovie ou Zdenka Badovinac de Lubljana). Une énorme usine textile en friche mise à disposition par la ville campe le cadre d’un événement qui réunit près d’une soixantaine d’artistes sans autre contrainte que l’autonomie des choix de chacun et le respect de l’intégrité des propositions artistiques. Mais l’habituel effet de kaléidoscope inhérent au principe d’une biennale se trouve ici démultiplié par le parti pris. Dans cette accumulation de choix collectivement individuels et finalement arbitrés par l’organisateur, c’est au coup par coup que les œuvres se donnent, dans une concurrence souvent contre-productive. Reste que la diversité des choix comme l’ampleur et l’aspect de dédale du lieu réservent des étonnements, à défaut de vraies surprises. Ainsi de deux peintres américaines : Polly Apfelbaum, avec des reprises de signes ou de drapeaux de mouvements contestataires (Flags of Revolt or Defiance) inscrits dans le contour de fleurs pop, jusqu’à perdre l’évidence de leur symbolique ; ou Rebecca Quaytman, qui construit en une dizaine de tableaux une phrase visuelle empruntant tantôt à un paysage abstrait, tantôt à Streminski et Kobro, les artistes modernes qui ont marqué l’histoire de Lódz, cofondateurs du musée dans les années 1930. Plus loin, Joanna Rajkowska (Varsovie) donne par la photographie et la vidéo des comptes rendus de son activité d’artiste à louer, répondant aux commandes les plus variées dans un esprit de prestataire, entre ironie et efficience. Claudia Schmacke (Allemagne) se glisse dans les sanitaires de l’usine pour faire apparaître et disparaître, comme une respiration inquiétante de la plomberie du bâtiment, une eau d’un vert lumineux au fond de lavabos. Alain Arias Misson, un artiste français installé à Rome et proposé par Robert Morgan, donne quant à lui une installation un peu démonstrative, dans sa lumière noire et ses fluorescences, inspirée d’un univers de BD trash. Les conditions d’accrochage comme de production des œuvres ne laissent finalement pas aux artistes l’occasion d’imposer un signe ou un langage, même pour des ténors comme Richard Long ou le groupe slovène Irwin.

Parasitage
D’autres expositions complètent un programme de visites à travers la ville, avec des artistes de Lódz invités à squatter un immeuble d’habitat populaire inoccupé : le peintre Wojciech Leder, dont on pourrait bien reparler, se sort le mieux d’une situation fragile. Enfin, à côté d’une réunion assez heureuse d’artistes actifs à Poznan (scène polonaise active et plutôt percutante), l’autre gros morceau de la Biennale se tient dans le Musée d’histoire de la ville. Palais d’un industriel reconverti en lieu de célébration de héros de la ville, le musée kitsch s’est prêté à un exercice de parasitage (ou de palimpseste, selon le mot de la commissaire Aneta Szylak, habituellement basée à Gdansk) par près de vingt-cinq artistes, cette fois exclusivement polonais. Résultat incertain : Grzegorz Klaman déçoit, mais le groupe Azorro, que l’on reverra en décembre à l’Énsba à Paris, impose un ton (vidéo), comme Andrej K. Urbanski et Mira Boczniowicz avec leur reprise photographique du fastueux salon, réduit à un cube renversé dans un coin de l’espace, ironique mise en abyme. En somme, si la Biennale n’est pas marquée par une cohérence ni une ambition d’ensemble, l’événement et son cadre, cette grande ville dure et attachante, offrent une vision juste d’une scène qui, comme le reste de la société polonaise, est tendue entre précarité, énergie et ambition.

BIENNALE DE LÓDZ : Biennale internationale d’art, Biennale d’art polonais (The Palimpsest Museum) et scènes (Poznan, Lódz), jusqu’au 31 octobre, www.lodzbiennale.pl

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Lódz highway

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