Monographie

L’inventaire de Lericolais

L’artiste déploie, au château de Chamarande, ses constellations, distorsions et survivances

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2011 - 452 mots

CHAMARANDE - Dans la chambre des merveilles, « «l’objet» n’existe pas : il est réduit à la succession de ses guises, de ses emplois, occurrences et qualifications provisoires (1) ».

Dans son « Cabinet curieux », installé dans la bibliothèque du château de Chamarande (Essonne), Rainier Lericolais a disposé nombre d’objets : disques de sa collection, livres choisis, sculptures, maquettes et dessins tirés de sa production. L’ensemble constitue son répertoire d’idées et de formes, chacun de ses éléments pouvant susciter « quelque manipulation qui lui assurera, le cas échéant, une survie paradoxale (1) ». Le trente-trois tours, par exemple, y apparaît sous la forme du moulage en plastique transparent de l’objet ; d’un disque trouvé en carton perforé, à l’origine de l’œuvre 88 Constellations, une partition pour orgue de barbarie ; ou des pochettes de disque à effet cinétique de Pierre Henry. Mais la pochette de musique concrète est prétexte ailleurs à un travail de gravure sur aluminium (Prospective du XXIe siècle). Ou bien, des premières tentatives d’enregistrement, au début du XIXe siècle, Lericolais aura retenu le noir de fumée, qui donne lieu à une pièce tout onirique. La pointe/le diamant d’une petite toupie lancée sur une plaque de verre noircie y a gratté des circonvolutions d’une grande finesse qui semblent rabattre sur un même plan longitudinal les sciences de l’univers et celles de la Terre. 

Expérimentation 
On l’aura compris, le son, sa transcription et reproduction, comme les phénomènes d’onde et de vibration, intéressent l’artiste qui est aussi musicien. Mais l’ondulation est également au principe de ses pièces mobilières ou ornementales en carton, dont le volume est donné par un assemblage de courbes parallèles, à l’image du lustre baroque suspendu dans la salle à manger. Quand l’arabesque est la ligne sinueuse qui redessine au mur les motifs et la préciosité des Élégantes et des Mariées, prélevées par le dépôt de colle à chaud sur une image imprimée. Ondulation mais aussi réflexion, pour rester dans le champ de la physique – de la lumière cette fois –, caractérisent cette œuvre qui ne cesse de reconfigurer l’un ou l’autre de ses traits ou composantes. L’invitation au château donne en effet l’occasion à Lericolais de montrer Cinéréflectographie, film « expérimental » fondé sur des reflets d’écrans d’ordinateur renvoyés dans la caméra de l’ordinateur. Parallèlement, des photographies enregistrent des écrans de télévision au moment exact de leur extinction, livrant des visions ectoplasmiques. Une nouvelle série des Dépeintures, à partir de reproductions de magazine – des portraits de stars – diluées au trichloréthylène, est aussi présentée : images noyées et couleurs délavées, elles offraient déjà au sujet, qui conservait un reste d’expression, un caractère spectral troublant.  

Rainier Lericolais,

(1) Patricia Falguières, Les Chambres des merveilles, éd. Bayard, 2003

Rainier Lericolais,
Jusqu’au 27 février, Centre d’art contemporain/Domaine départemental de Chamarande, 38, rue du Commandant-Arnoux, 91730 Chamarande, tél. 01 60 82 52 01, www.essonne.fr, du mercredi au dimanche 12h-17h. Catalogue à paraître

Lericolais
23 œuvres dont 2 séries le « Cabinet curieux »
9 œuvres produites par le centre d’art

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°338 du 7 janvier 2011, avec le titre suivant : L’inventaire de Lericolais

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