L’idiotie abyssale de Clédat et Petitpierre

Par Céline Piettre · L'ŒIL

Le 10 octobre 2014 - 340 mots

Clédat (Yvan) et Petitpierre (Coco) ne font plus de spectacles. Tout ça, c’est de l’histoire ancienne. Alors quand ils proposent au chorégraphe Sylvain Prunenec d’entrer dans la peau d’une bête aquatique non identifiée, mi-corail mi-gastéropode, et d’évoluer au sein d’un paysage d’aquarium, c’est forcément dans le cadre d’une de leurs sculptures à activer.

Le projet s’appelle Abysse. Il est présenté au théâtre de la Cité internationale pour la 4e édition du Festival New Settings, qui met en relation arts de la scène et arts plastiques. Et comme les sculptures ne s’embarrassent pas d’horaires (ou à peine), encore moins de plateau ou de gradins, Abysse s’installe directement dans le hall d’entrée de l’institution. On pourra y déambuler librement, de 19 h à 22 h, en compagnie de cet étrange concombre de mer poilu, endormi au creux d’un rocher rutilant telle une carrosserie ou esquissant des pas de danse – ceux de Bagouet ou de Graham, ou plutôt ce qu’il en reste. Les trois artistes ont déjà collaboré. En 2013, Sylvain Prunenec confie au couple de plasticiens les costumes et la scénographie de sa pièce Précis de camouflage. Clédat et Petitpierre lui rendent aujourd’hui la pareille. Au chorégraphe la charge d’« activer » la sculpture, de lui donner vie. Il endosse pour cela un déguisement qui le recouvre intégralement, gommant son anatomie, le forçant à une marche aveugle. Clédat et Petitpierre sont familiers de ce genre d’expérience. C’est la première fois cependant qu’un autre corps que le leur, un corps expert, un danseur, se glisse dans les costumes conçus par Coco – elle travaille les matériaux mous tandis qu’Yvan s’occupe de tout ce qui est dur ! Un corps expert devenu idiot, privé de son rapport intelligible (donc savant et opérant) au monde qui l’entoure. Le mot « bête » joue de son double sens. L’idiotie, revendiquée par le duo, s’apparenterait ici à une plongée régressive d’esprit dadaïste. On rit de ces enfantillages insensés, cédant pourtant à une certaine mélancolie devant cette créature isolée, désorientée, qui peine à trouver une posture adéquate.

Quoi ? Abysse, Clédat et Petitpierre/Sylvain Prunenec, festival New Settings IV (un programme de la Fondation d’entreprise Hermès).
Où ? Théâtre de la Cité internationale
Quand ? Lundi 3, mardi 4, jeudi 6 et vendredi 7 novembre de 19 h à 22 h 15. Jeudi 13, vendredi 14 et samedi 15 novembre de 19 h à 22 h 15.
Comment ? Entrée libre

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°673 du 1 novembre 2014, avec le titre suivant : L’idiotie abyssale de Clédat et Petitpierre

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