Rencontre

A l’heure italienne

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2007 - 505 mots

À Nice, deux institutions reviennent sur deux figures emblématiques de l’art italien d’après-guerre”¯: Michelangelo Pistoletto et Gino de Dominicis.

 NICE - Il est d’heureux hasards de programmations, comme lorsque deux institutions de la Ville de Nice proposent, sans se concerter, de mettre en avant le même été deux artistes essentiels de la péninsule italienne. Des figures fort différentes mais qui, sans chercher de rapprochement périlleux, ont en commun un intérêt marqué pour la figure et le portrait.
Avec la rétrospective qu’il consacre à Michelangelo Pistoletto, le Musée d’art moderne et contemporain propose un parcours très dense mais néanmoins fluide, retraçant toutes les étapes importantes (Arte Povera, Division et multiplication du miroir, Signe-Art…) d’un œuvre où apparaît fondamentale l’idée d’action insérée dans le champ social, et l’art vu comme un seuil d’entrée dans la société. Sont particulièrement frappantes les premières salles dévolues aux Tableaux-miroirs, où se déploie la fascination de l’artiste turinois pour la représentation de la figure et d’une réalité à laquelle il en adjoint une autre : celle du spectateur immergé dans l’œuvre avec ce qui l’entoure.
Stupéfiante est également une salle regroupant une trentaine d’Objets en moins. Lancé en 1965, ce véritable programme visant à réaliser des objets répondant à une large variété d’hypothèses a vu la production de pièces aussi surprenantes qu’un Corps en forme de poire (1965-66) ou une Structure pour parler debout (1965-66).
À la Villa Arson, c’est une exposition très émotive qui se saisit du volet graphique et pictural de l’œuvre de Gino de Dominicis (1947-1998), dont le travail performatif et sculptural est souvent plus connu. D’entrée, le regard est happé par une étrange protubérance rouge et pointue, sorte d’hybride entre bec et nez, qui émerge d’un fond d’or au bout de l’enfilade des salles (Naso, 1998). Ailleurs, on se promène entre des silhouettes fantomatiques, des visages étirés, parfois bienheureux, parfois mélancoliques, toujours empreints d’une certaine étrangeté.
Les libertés avec la physionomie prises par l’artiste romain lui permettent de jouer avec des déformations dont la curiosité (tel ce visage dans lequel s’intègre une volée d’escaliers (Sans titre (Escalier), 1990) induit une implication psychique et accentue le questionnement, en même temps qu’une sorte d’impénétrabilité romantique.
Très inspiré par la légende du prince sumérien Gilgamesh, parti en quête de la vie éternelle, de Dominicis, obsédé par l’idée d’immortalité et mu par une perpétuelle volonté de figer le furtif dans l’éternel, semble développer une peinture totalement intemporelle. Ce d’autant plus qu’elle est marquée par des aspects symboliques très prononcés et se voit dotée d’un langage autonome et original empêchant toute classification. Elle constitue de la sorte un véritable défi aux définitions esthétiques.

- MICHELANGELO PISTOLETTO, jusqu’au 4 novembre, MAMAC, Promenade des Arts, 06000 Nice, tél. 04 97 13 42 01, www.mamac- nice.org, tlj sauf lundi 10h-18h. Catalogue, éd. Mamac, 188 p., ISBN 978-2-913548-85-5. - GINO DE DOMINICIS, jusqu’au 7 octobre, Centre national d’art contemporain de la Villa Arson, 20, avenue Stephen Liégeard, 06000 Nice, tél. 04 92 07 73 73, www.villa- arson.org, tlj sauf mardi 14h-18h. Numéro spécial de Flash Art International, 160 p.

Michelangelo Pistoletto - Commissaire : Gilbert Perlein, directeur du Mamac - Nombre d’œuvres : 68 Gino de Dominicis - Commissaires : Andrea Bellini,directeur d’Artissima (Turin), et Laura Cherubini, critique d’art - Nombre d‘œuvres : 37

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : A l’heure italienne

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