Musée

Les souvenirs remixés de Harry Nuriev

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 324 mots

Le designer russe, adepte du « transformisme », signe une série d’objets-souvenirs en vente dans les boutiques du Louvre. Une pratique ancienne remise au goût du jour.

Directeur créatif de Crosby Studios, un studio d’architecture d’intérieur et de design, Harry Nuriev a été invité par le Louvre, à l’occasion de l’exposition « Louvre Couture », à concevoir une collection de « souvenirs » pour la boutique du musée. Le quadragénaire aux allures de Messie en survêtement s’est inspiré du décor et du mobilier des appartements Napoléon III pour une série de miniatures (fauteuil, lustre, chandelier, théière, guéridon…) transformées en porte-clefs, stylos, assiettes, magnets et autres accessoires décalés. Le tout uniformément chromé, car la touche argentée est la marque de fabrique de ce touche-à-tout connu pour ses collaborations avec les griffes de luxe. Suggérant qu’il est désormais difficile d’inventer du nouveau, il définit sa démarche comme un « transformisme » appliqué aux objets et aux espaces, et choisit de transformer l’existant. Cela s’applique aussi à l’art : il exposait ainsi jusqu’en mars, à la galerie Sultana, Lèche-vitrines, une installation d’objets manufacturés essentiellement issus de l’univers des cosmétiques, sorte de manifeste esthétique dénonçant le consumérisme, tout en établissant un parallèle entre la galerie d’art et le grand magasin. L’idée n’est pas originale. Harry Nuriev était à peine né que Damien Hirst, à la fin des années 1980, commençait sa série d’étagères à médicaments (The Fragile Truth). Mais cela fait aussi plus d’un siècle que l’art ne cesse de s’intéresser aux systèmes de valeur des objets, des premiers ready-made de Marcel Duchamp aux accumulations d’Arman qui mit aussi des déchets sous plexiglas, du pop art au Nouveau Réalisme, des présentoirs en acier et en verre de Joséphine Meckseper aux Vitrine d’objets de Mathieu Mercier. Le dispositif artistique consistant à muséifier des produits de consommation courante a ainsi une longue histoire dans laquelle Harry Nuriev s’invite en trublion décomplexé, tout en signant pour le Louvre une collection de babioles gentiment clinquantes. Un vrai tour de passe-passe.

À voir
« Louvre Couture, objets d’art, objets de mode »,
Musée du Louvre, rue de Rivoli, Paris-1er, jusqu’au 21 juillet, www.louvre.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Les souvenirs remixés de Harry Nuriev

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