Art contemporain

Les secousses du postcommunisme

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 18 février 2000 - 546 mots

Histoire, culture, religion, les différences ne manquent pas entre les pays de l’ancien bloc de l’Est. De Vilnius à Sarajevo, de Prague à Moscou, au-delà d’une histoire politique commune, nous sommes face à des artistes à la culture et aux sensibilités foncièrement divergentes : une moitié de l’Europe qui n’a rien à envier à l’autre.

Dans le contexte des Pays de l’Est, la Russie constitue un cas particulier, d’une part parce que le régime communiste y a duré plus de quatre-vingts ans (contre environ quarante-cinq ans dans ses ex-satellites), d’autre part, parce que la société y reste à la fois centralisée et culturellement stable.  Ce n’était pas forcément le cas dans les autres pays frères où, au temps du communisme radieux, les artistes étaient plus ou moins contrôlés. La Hongrie, par exemple, a été relativement libérale dès les années soixante-dix et quatre-vingt, soit beaucoup plus tôt que des pays comme la Tchécoslovaquie. Les Hongrois pouvaient ainsi voyager, travailler avec des galeristes, des musées et des institutions à l’Ouest. Même en Pologne, après le coup d’État du général Jaruzelski en 1981, le système culturel s’est libéralisé après trois ans de rigueur. Cependant, des tabous persistaient partout : il était interdit de contester l’hégémonie de l’Union soviétique, de parler du putsch de Jaruzelski en Pologne, ou des événements de 1956 en Hongrie. La subversion était néanmoins présente dans les créations, même si elle s’exprimait souvent de façon subtile. “Dans les film tchèques, ceux de Milos Forman par exemple, l’absence totale d’héroïsme, d’optimisme était subversif, souligne Lóránd Hegyi, directeur du Musée d’art moderne-Fondation Ludwig, à Vienne, et co-commissaire de l’exposition “L’autre moitié de l’Europe” à la Galerie nationale du Jeu de Paume, à Paris. Il existait un malentendu de la part des intellectuels et des journalistes occidentaux qui cherchaient toujours une résistance. Ils n’avaient pas compris qu’elle ne passait pas nécessairement dans ces pays par la politique”. Dans les nouvelles démocraties, les partis se sont rapidement accordés pour laisser une entière liberté aux artistes, tout en réduisant  radicalement les subventions au théâtre, au cinéma et aux musées.

Mais la culture littéraire, théâtrale et historique demeure très importante pour nombre des plasticiens d’Europe centrale et de l’Est, même si elle tend à perdre un peu de son importance chez la jeune génération. Souvent, d’ailleurs, la critique d’art manie des métaphores littéraires, historiques, théâtrales. Certaines œuvres font aussi directement appel à l’histoire, comme celle du Bosniaque Braco Dimitrijevic exposée actuellement au Jeu de Paume (Contre le sens historique de la gravité, 1999).

L’histoire est encore présente dans les œuvres du Russe Timur Novikov, mais avec une dimension religieuse. Cette question est en effet centrale dans nombre de ces pays, à l’image de l’hégémonie du catholicisme romain en Pologne, ou de la religion orthodoxe en Russie ou en Serbie. Il existe de grandes différences entre les croyances d’un pays à l’autre. En Hongrie, sept religions de même importance cohabitent, avec des orientations morales différentes. Chez les artistes polonais, comme Abakanowicz ou même Opalka, nous sommes face à une certaine conscience religieuse qui est toujours transcendantale. Dans l’ancienne Union soviétique, la recherche de l’identité russe est très fortement liée à une identité religieuse, dans une logique de souffrance salvatrice. Une mentalité qui conduit aujourd’hui les artistes à réaliser les performances les plus extrémistes

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°99 du 18 février 2000, avec le titre suivant : Les secousses du postcommunisme

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