Collection

Les passions de Pierre Huber

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 8 juillet 2005 - 548 mots

Le marchand genevois expose pour la première fois sa collection privée d’art contemporain. Un ensemble en résonance avec son activité de galeriste.

LAUSANNE - Pierre Huber est depuis longtemps un galeriste d’art contemporain respecté, et craint. Le directeur de la galerie Art & Public à Genève a fait ainsi la pluie et le beau temps à la Foire de Bâle dans les années 1990, alors qu’il était membre du très sévère comité de sélection des galeries. Le marchand a aujourd’hui d’autres projets en tête, en particulier celui concocté avec Lorenzo Rudolf pour un nouveau type de foire… Mais ce que l’on sait moins, c’est que le galeriste est aussi un collectionneur compulsif dont le Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne dévoile pour la première fois quelques-uns des trésors de guerre. Le choix présenté par le commissaire de l’exposition Yves Aupetitallot –  le directeur du Magasin de Grenoble, qui est aussi en Suisse chargé de mission au Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne –, offre une vision très internationale de l’art. L’ensemble est nettement tourné vers les États-Unis, et notamment sa Côte ouest, mais est aussi attentif, et c’est logique, à la Suisse et aux pays germaniques, de l’Allemagne à l’Autriche. La collection fait le grand écart entre la rigueur et la retenue d’un On Kawara, et les débordements les plus organiques d’une Cindy Sherman ou d’un Paul McCarthy. Pierre Huber sait, à côté des grands noms de la scène actuelle, se laisser séduire par des artistes plus secrets, comme Craig Kauffman ou Julie Wachtel. Mais sa collection ne fait pas l’impasse sur les vedettes (spéculatives) du marché d’aujourd’hui, de Richard Prince à Christopher Wool, jusqu’à la très hype école de Leipzig représentée ici par Eberhard Havekost, dont une peinture est exposée dans le second volet de l’exposition, à l’Espace lausannois d’art contemporain. À côté d’une toile de Picabia qui semble égarée dans une salle « qualité musée » d’œuvres de Franz West, l’engagement du marchand frappe quand il donne à sa collection une dimension supérieure, avec les grandes installations de Mike Kelley ou de Jim Shaw. Les goûts d’Yves Aupetitallot rejaillissent, eux, au fil du parcours, avec un choix d’artistes qui ont été exposés ces cinq dernières années au Magasin de Grenoble, à l’exemple de Jim Shaw, Paul Morrison, Sylvie Fleury, John Armleder, Mike Kelley ou John Miller. 
Quel avenir Pierre Huber réserve-t-il à cet ensemble ? Même si l’aréopage de représentants de maisons de ventes publiques le jour du vernissage semble un indicateur, l’intéressé dément son intention de vendre. Le marchand pourrait en revanche offrir sa collection au Nouveau Musée des beaux-arts de Lausanne, qui doit voir le jour en 2010 à Bellerive, sur le bord du lac Léman. Lauréat du concours, le jeune bureau d’architectes Berrel Wülser Kräutler, de Zurich, doit y construire son projet « Ying Yang ». Un programme qui pourrait ne pas laisser Pierre Huber de marbre !

PRIVATE VIEW, 1980-2000, COLLECTION PIERRE HUBER

Jusqu’au 11 septembre, Musée cantonal des beaux-arts, palais de Rumine, place de la Riponne 6, Lausanne, tél. 41 21 316 34 45, tlj sauf lundi 11h-18h, jeudi 11h-20h, vendredi à dimanche 11h-17h ; et l’ELAC (Espace lausannois d’art contemporain), 19, rue de Genève, Lausanne, tél. 41 21 311 22 40, mercredi-vendredi 14h-18h, samedi 14h-17h. Cat., 272 p., français-anglais, 60 euros.

Private view

- Commissaire : Yves Aupetitallot - Nombre d’artistes : 42 - Nombre d’œuvres : 162 - Sponsors : Crédit agricole (Suisse) SA

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°219 du 8 juillet 2005, avec le titre suivant : Les passions de Pierre Huber

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