Répondant à une forte mobilisation du monde « de la nuit », le ministère de la Culture a créé un label « Club Culture » et annoncé en juin la labellisation de seize clubs, pour la plupart parisiens.

Paris. Comme le montrait l’exposition « Disco » à la Philharmonie de Paris au printemps 2025, les discothèques des années 1980 ont progressivement disparu en France (lire le JdA no 651, 14 mars 2025). Ces lieux aussi appelés boîtes de nuit diffusent des musiques enregistrées, contrairement aux clubs. En effet, ceux-ci diffusent de la musique « live » sous la forme de concerts et de performances de DJ, avec une programmation spécifique. C’est l’un des critères du label « Club Culture » créé début 2025 par le ministère de la Culture et attribué à seize lieux en juin, dont une majorité d’établissements parisiens.
Les critères sont peu contraignants et il n’y a pas de soutien financier attaché à ce label. Si la plupart des représentants du secteur dit « de la nuit » approuvent ce label, il s’agit, soulignent-ils, de l’aboutissement d’un long processus de reconnaissance pour des lieux au statut encore flou aux yeux des autorités. Renaud Barillet, le directeur de la Bellevilloise à Paris récemment labellisée, observe ainsi que « le terme “discothèque” n’a pas de statut juridique en France, et pourtant c’est [celui] qu’employaient les ministères pendant les discussions sur le label ». Comme les discothèques et boîtes de nuit, les clubs sont rattachés au ministère de l’Intérieur. D’après Cédric Dujardin, directeur du Sucre (Lyon), labellisé, les clubs sont considérés dans les ministères comme des « lieux de divertissement » et classés en préfecture avec les établissements d’hôtellerie et restauration, sauf exceptions (dont Le Sucre). Enfin ces établissements relèvent du modèle de l’entreprise privée, comme le rappelle Arnaud Perrine, directeur du Glazart et Kilomètre25 (clubs labellisés à Paris), et par conséquent reçoivent peu de subventions publiques. Ces subventions sont fléchées vers le soutien aux artistes émergents, à la lutte contre les discriminations ou à la transition écologique, contrairement aux théâtres et salles de spectacle vivant qui sont subventionnés pour leur fonctionnement.
Il y avait donc une question de statut pour ces établissements qui revendiquent depuis plusieurs années un rôle culturel : Renaud Barillet évoque des discussions entamées dès 2011. La crise du Covid-19 et les confinements ont remobilisé les principaux clubs, qui ont interpellé le ministère de la Culture. La ministre de l’époque, Roselyne Bachelot, n’a, semble-t-il, pas compris les enjeux, renvoyant les représentants des lieux concernés au ministère de l’Intérieur. Plusieurs déclarations maladroites de la ministre en octobre 2020 ont suscité des tribunes dans la presse de la part d’artistes et de directeurs de clubs, parmi lesquels le DJ phare de la French touch, Laurent Garnier. Ce dernier regrettait que la ministre n’ait pas inclus les clubs et leurs personnels dans le secteur du spectacle vivant lorsqu’elle a annoncé des aides financières. Laurent Garnier critiquait également « l’ignorance » dont le ministère faisait preuve, et rappelait qu’il avait été nommé au grade de chevalier des Arts et Lettres par un précédent ministre de la Culture. Depuis près de trente ans, ses confrères et lui font « indirectement rayonner la France à l’étranger », participant ainsi au soft power. Il notait enfin « une forme de mépris incompréhensible » de la part du ministère. C’est pourquoi les directeurs de clubs ont travaillé à une charte sous la forme d’un manifeste pouvant servir d’inspiration à un futur label.
Le manifeste présenté par Le Sucre et l’association Arty Farty qui le gère, rappelle en introduction que « la club culture est un phénomène sociologique et culturel conceptualisé dans les années 1990 », et qu’elle est à l’origine « d’un courant et d’une esthétique culturelle identifiables ». Le manifeste souligne « l’engagement artistique » des établissements, un point repris par le ministère lors de la création du label. Car à la différence des discothèques, les clubs disposent d’une direction artistique, et d’une équipe de programmation. Cédric Dujardin confirme que les lieux labellisés ont « une véritable direction artistique, avec un comité de programmation et des choix éditoriaux » sur le long terme. Le manifeste revendique aussi le statut de « lieu de création artistique » pour les clubs qui accompagnent les artistes par des résidences ou des ateliers de professionnalisation.
Le label Club Culture vient donc apporter une reconnaissance aux clubs concernés, appuie Renaud Barillet : « C’est effectivement une reconnaissance des clubs en tant qu’acteurs de la sphère culturelle et pas uniquement du monde de la nuit. » Pour Cédric Dujardin, ce label est le signe que « la club culture est mature, elle a 30 ans désormais et bénéficie d’un début de patrimonialisation ». Cette patrimonialisation se traduit par des expositions (« Clubbing » au Grand Palais immersif à l’été 2025), des publications universitaires (sociologie, musicologie) et plus récemment une déclaration d’Emmanuel Macron : en juin, le président de la République a suggéré de déposer une candidature pour l’inscription de la French touch au patrimoine mondial par l’Unesco, imitant en cela l’Allemagne qui a obtenu l’inscription de la musique techno berlinoise en 2024.
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Les clubs de musique, acteurs culturels enfin reconnus
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°661 du 19 septembre 2025, avec le titre suivant : Les clubs de musique, acteurs culturels enfin reconnus








