Bande dessinée

Illustration

Les bizarreries fantastiques de Crowley

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 26 février 2020 - 335 mots

En retenant le dessinateur Winsor McCay (1871-1934) comme l’inventeur, avec son Little Nemo, de la bande dessinée au XIXe siècle, l’histoire de la BD oublie de citer l’un de ses autres héros : Herbert Crowley (1873-1937).

Passé par l’Académie Julian à Paris, ce dessinateur, peintre et sculpteur s’installe à New York au début du XXe siècle où il fréquente une colonie d’artistes et d’écrivains (le Brocken). En 1910, Crowley crée The Wigglemuch, bande dessinée dominicale, pour le New York Herald. Le Wigglemuch, c’est un drôle d’animal sauvage, tout en rondeurs, que l’on pourrait croire, avec ses deux pattes arrière, échappé d’un tableau de Jérôme Bosch. En quatorze épisodes, l’artiste raconte ses aventures fantaisistes, à commencer par sa capture à l’aide de filets à papillons par des sortes de petites marionnettes en bois. Cet univers fantastique, Crowley le traduit également dans d’étranges sculptures en terre cuite, formant un pont entre le bestiaire médiéval et l’illustration pour enfants. Parallèlement à cette production qui formera, pour Art Spiegelman, l’un des grands « chemins non empruntés » de l’histoire de la bande dessinée, Herbert Crowley réalise des compositions d’une noirceur symboliste fin de siècle, proche de Kubin. D’autres dessins représentent d’étranges palais dans une esthétique comparable aux dessins d’Augustin Lesage.

« Étoile résolument ascendante » dans les années 1910, l’artiste britannique va pourtant disparaître dans les limbes de l’histoire de l’art. Exposé en 1966 au Metropolitan Museum de New York dans l’exposition « Deux dessinateurs fantastiques : Herbert Crowley et Winsor McCay », son nom ne réapparaît qu’ici ou là, toujours pour témoigner du manque d’informations qui nous sont parvenues sur lui. Fasciné par la découverte de cet œuvre hors normes, Justin Duerr, artiste et musicien outsider, est parti sur les traces de ce mystérieux Herbert Crowley. Il en découle une monographie en anglais parue en 2018, aujourd’hui traduite en français. Dans un format inhabituel (28,5 x 44 cm), cet ouvrage apporte les premiers éléments de reconnaissance de l’artiste, tout en rendant hommage à ses étranges dessins que l’on espère, une fois pour toutes, exhumés.

Le Temple du silence, Les mondes et univers oubliés de Herbert Crowley,
Éditions Urban Comics, 108 p., 49 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Les bizarreries fantastiques de Crowley

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