Photographie

Le perroquet de... Pierre et Gilles

Par Élisabeth Couturier · L'ŒIL

Le 22 janvier 2020 - 658 mots

Chaque mois, Élisabeth Couturier présente un objet cher à un artiste. Ce mois-ci... Le perroquet de Pierre et Gilles

Fétiche  - IIs se réjouissent : l’exposition « La fabrique des idoles », qu’ils présentent actuellement à Paris, bat des records d’entrée. Tout comme celle qu’ils montrent en même temps à Cannes. À la Philharmonie de Paris, pour le plus grand bonheur des visiteurs, Pierre et Gilles ont imaginé, dans une ambiance type cabaret, un parcours images et sons regroupant une large sélection d’œuvres pour lesquelles ils ont photographié et sublimé (selon un long processus mixant la conception du décor, la prise de vue, puis les retouches au petit pinceau) des idoles yéyé et des stars planétaires de la pop musique. Des mises en scène sobres ou baroques qui racontent l’histoire d’amour que le duo entretient avec la chanson populaire, toutes catégories confondues, et l’admiration qu’il ont pour ses « divas » : Sylvie Vartan, Madonna, Lio, Nina Hagen, Stromae, Boy George, Eddy de Pretto, Claude François, Marilyn Manson, Iggy Pop, etc., dont on peut aussi écouter, grâce à des casques audio mis à disposition, les tubes ou autres morceaux que les artistes ont associés à chaque portrait. Figure en bonne place la composition devenue célèbre montrant Étienne Daho vêtu d’un pull marin à rayures, avec un oiseau sur l’épaule. Ne cherchons pas plus loin : ce mini-perroquet s’impose comme un fétiche pour nos créateurs. Et pour cause : « En partie grâce à cet oiseau, ainsi immortalisé, l’image, devenue pochette de disque, a fait le tour du monde et marqué une étape dans la carrière de Daho et dans la nôtre. Elle est désormais mythique et a rejoint les collections du Centre Pompidou. Comme pour toutes nos œuvres, c’est une pièce unique », explique Pierre qui précise : « L’oiseau est un conure, on l’avait appelé Bibic. On n’a jamais su si c’était une fille ou un garçon. Nous l’avions acheté sur les quais près de Notre-Dame et l’avons gardé plus de vingt-cinq ans. Hélas, Bibic est mort en 2002. Il vivait en liberté dans la maison, sa cage toujours ouverte, il dormait dans le lit et passait la journée sur mon épaule. C’est dire s’il faisait partie de notre vie ! » Amis des bêtes, nos artistes ? « Pierre est plus proche des animaux, moi des plantes », répond Gilles, qui garde cependant un souvenir amusé de la séance de prise de vue avec Daho : « À l’origine, la présence de Bibic n’était pas prévue, on avait pensé montrer le chanteur avec un harmonica. Mais le perroquet est venu naturellement se poser sur son épaule. Or, Daho avait la phobie des oiseaux : il a dû rester immobile plus d’une heure durant laquelle Bibic, de temps à autre, lui mordillait gentiment le cou ! » Il enchaîne : « Que d’aventures avec Bibic ! Un jour, alors qu’il s’était posé sur ma lampe de travail, il a fait une crotte qui est tombée pile sur le visage du modèle que j’étais en train de peindre. J’ai dû tout effacer et recommencer, soit quatre jours de travail en plus ! Une autre fois, il a mordillé un fil électrique et il est devenu tout noir ! » Pierre revient sur la séance avec Daho : « C’était un jeune garçon très beau, il dégageait une grande douceur. Il habitait Rennes et nous a inspiré l’idée du petit marin, une de nos thématiques préférées car nous avons grandi tous les deux dans des ports. Et la présence de Bibic raconte l’histoire des oiseaux compagnons des marins sur les bateaux. Une fois la photo finie, Daho a trouvé qu’elle dégageait une douce mélancolie et qu’elle était le reflet de son âme. Un super compliment auquel Bibic a sa part. » Mais pourquoi lui avoir donné ce nom ? « Parce qu’on appelle toujours nos animaux en redoublant la première consonne. Nous avons eu ensuite une chienne Lili, puis un chien Toto ! Mais il n’y a et il n’y aura jamais qu’un seul Bibic. » Hommage !

« Pierre et Gilles, la fabrique des idoles »,
jusqu’au 23 février 2020. Cité de la musique - Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, Paris-19e. Du mardi au vendredi de 12 h à 18 h, le samedi de 10 h à 20 h, le dimanche de 10 h à 18 h. Tarifs 9 et 5 €. Commissaire : Milan Garcin. philharmoniedeparis.fr
« Pierre et Gilles, le goût du cinéma »,
jusqu’au 26 avril 2020. Centre d’art La Malmaison, La Malmaison, 47, boulevard de la Croisette, Cannes (06). Tous les jours de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h, fermé le lundi. Tarifs 6 et 3 €. Commissaire : Numa Hambursin. www.cannes.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : Le perroquet de... Pierre et Gilles

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