Beaubourg

Le jour J du design reporté

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 9 septembre 2005 - 626 mots

La galerie sud du Centre Pompidou accueille une soixantaine de projets sans véritablement de lien les uns avec les autres. Un rendez-vous manqué.

 PARIS - Ce devait être, selon le titre de l’exposition, le « D. Day » pour le design à Beaubourg… Raté ! En fait de jour J, c’est plutôt « Waterloo, morne plaine ». Car, de propos, dans cette exposition il n’y en a point. « D. Day, le design aujourd’hui » n’est qu’une collection d’objets ou de projets disposés les uns à côté des autres, sans fil conducteur. Résultat, le visiteur se retrouve comme face à une salade composée. Il y a un peu de tout, à parts égales : de la vaisselle au graphisme, du site Internet à l’automobile, de la nourriture à la « musique visuelle ».
Pour paraître actuelle, l’exposition n’hésite pas à surfer sur les microtendances en vogue aujourd’hui. On y trouve ainsi du design « vintage » – les Bootleg Objects de Markus Bader et Max Wolf, matériel hi-fi des années 1970 revisité avec des technologies actuelles –, du design « fashion » – un iPod d’Apple rebaptisé Crystalmini car « customisé » avec des strass –, ou encore du design pour « bobos » – le téléphone portable i833 de Motorola carrossé par Pininfarina Extra. Contrepoint à cette panoplie « branchée », et pour parer, sans doute, à toute critique, les organisateurs ont pris soin de déployer, dès l’entrée, un volet plus « éthique », oscillant entre humanitaire et développement durable : cuiseur solaire, transistor sans piles, distillateur d’eau, mobilier issu de l’éco-conception…
Prises à part, certaines pièces sont, certes, passionnantes. On pense notamment à L’Empire des sons, court-métrage d’Andréa Bergala pour Arte consacré au design sonore, et à cette recherche sur le graphisme du matériel électoral que l’American Institute of Graphic Arts (AIGA) a réalisé, entre 2001 et 2004, à la suite des élections controversées de novembre 2000 en Floride ; à Souvenirs from Hell, photographies de Kyoichi Tsuzuki représentant des objets votifs chinois en papier, en forme de Walkman ou de télévision, et destinés à être brûlés lors des funérailles ; ou encore au travail entre le chef Ferran Adrià (restaurant El Bulli, Espagne), qui invente une cuisine insolite, et le designer Luki Huber, qui invente les ustensiles pour la préparer et la déguster.
Néanmoins, dans sa globalité, la présentation manque de fonds. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de penser que certaines pièces présentées (la flopée de lampes Artémide ? la maquette expérimentale de la Peugeot 1007 D. Day ?) le sont uniquement parce que les firmes « prêteuses » ont, peut-être, apporté quelque support financier à l’exposition. S’il s’agit de rendre compte des multiples problématiques du design contemporain, pourquoi autant d’installations absconses – des flacons de parfums qui tournoient dans les airs (Fruits de parfums, Gwenaël Nicolas), une « plate-forme de survie » (Ground 01, Olivier Peyricot), une série de poupées en plastique censées illustrer des vies sexuelles de femmes célibataires (Evidence Dolls, Anthony Dunne et Fiona Raby)… ? Enfin, au registre de la compréhension, une partie des objets est réunie sous le sigle « Design universel ». Pourquoi eux seuls seraient-ils « universels » et non les autres ? Et que signifie précisément « universel » pour le design ?
Bref, une exposition dans un grand musée national ne peut se contenter d’un assortiment d’œuvres hétéroclites, façon biennale d’art. Le comble est que le Centre Pompidou a justement programmé, pour février 2006, un colloque ad hoc. Il s’intitule tout simplement : « Comment exposer le design ? »

D. Day, le design aujourd’hui

Jusqu’au 17 octobre, Centre Georges-Pompidou, galerie sud, niveau 1, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, tlj sauf mardi, 11h-21h. Catalogue, 240 pages, 270 ill. couleur, ISBN 2-84426-279-1, 39,90 euros.

D. Day, le design aujourd’hui

- Commissaire : Valérie Guillaume - Scénographie : Laurence Fontaine, Centre Pompidou - Nombre de projets exposés : 60 - Superficie : 1 200 m2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°220 du 9 septembre 2005, avec le titre suivant : Le jour J du design reporté

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