Le « Grand Tour » de François Roca

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 16 avril 2014 - 355 mots

Influences - Tandis qu’une majorité croissante de la profession bascule dans le tout numérique, de rares illustrateurs font encore perdurer les techniques traditionnelles.

François Roca, formé à l’école Émile Cohl à Lyon, est de ceux-là. Depuis plus de vingt ans, sur de larges papiers bristol tendus, c’est à l’huile que le Lilasien d’adoption, né en 1971 à Lyon, donne vie aux univers imaginés par son acolyte, l’auteur Fred Bernard. Le duo compte à son actif plus de vingt albums, chez Albin Michel et Le Seuil, qui font les belles heures de la littérature jeunesse. Dans la tradition narrative d’Adrian Ludwig Richter, Roca met en scène des personnages au destin tragique, parfois mélodramatique, des héros ordinaires ou chevaleresques qui révèlent leur humanité en survivant à des conflits extérieurs ou intérieurs. La presse culturelle lui commande également des portraits de personnalités. Côté inspiration, s’il officiait dans la gastronomie, Roca serait un adepte de la cuisine fusion. À l’instar des néoclassiques auxquels certaines de ses ambiances font écho et des aventuriers qu’il peint dans de grandes fresques épiques, l’illustrateur a lui-même opéré son « Grand Tour » en bibliothèque d’abord, avant que l’Alliance française, attentive à ses succès en librairie, ne favorise parfois ses déplacements à l’étranger. Son premier voyage initiatique l’a amené à scruter, sinon à absorber méthodiquement, l’esthétisme des préraphaélites, du romantisme, du réalisme puis du naturalisme. À John W. Water-house, il emprunte la composition ; à Edwin Lord Weeks, la lumière de sa peinture orientaliste. De Félix Vallotton, Roca a retenu la touche lisse et structurée, les cadrages photographiques osés et un peu d’érotisme froid ; d’Edward Hopper, le parti pris réaliste et la palette. Las des tuteurs européens, il découvre le père de l’illustration américaine, Howard Pyle, puis son disciple N. C. Wyeth, qui le marquent tous deux au fer rouge par la puissance de leur théâtralisation. À la fin des années 2000, repu de ces mezze et des systématismes, sinon des emprunts, qu’il peut engendrer, François Roca se nourrit alors davantage de photographies (Weegee, August Sander…), de films (Ford, Lynch…). La magie demeure, magnifiant autant les histoires pour enfants que l’histoire de l’art.

François Roca, Rose et l’automate de l’opéra, Albin Michel Jeunesse, 40 p., 18,05 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°668 du 1 mai 2014, avec le titre suivant : Le « Grand Tour » de François Roca

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