Norvège

Le festival qui venait du froid

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 30 septembre 2014 - 809 mots

Tous les deux ans dans les îles Lofoten, le festival Salt crée une plate-forme culturelle itinérante dans les paysages de l’Arctique.

SANDHORNØYA (NORVÈGE) - L’art contemporain se loge parfois sous d’étonnantes latitudes. Ainsi en est-il de cette nouvelle manifestation intitulée Salt (« sel » en norvégien), qui a ouvert, le 29 août, sur l’île de Sandhornøya, au nord de la Norvège. Elle réunit diverses disciplines – architecture, arts plastiques, musique… – dans un environnement spectaculaire : Long sand, immense plage sauvage du cercle polaire arctique. L’idée de cet événement pour le moins original a germé, dès 2010, dans les esprits  de Helga-Marie Nordby et d’Erlend Mogård-Larsen, à l’époque commissaires d’un autre festival d’art contemporain norvégien, le Lofoten International Art Festival (LIAF). Quatre ans plus tard, ils sont respectivement commissaire arts plastiques et directeur du programme de Salt.
L’originalité de cette manifestation est non seulement sa durée – jusqu’au 6 septembre 2015, à Sandhornøya –, mais également son itinérance, car elle devrait, ensuite, voyager pendant les huit prochaines années dans diverses contrées du cercle arctique, en l’occurrence au Groenland (2016), en Islande, sur les îles Féroé, en Irlande, en Écosse, au Spitzberg, en Alaska, enfin en Russie, le tout avec des invités renouvelés. Aucun budget n’est, pour l’heure, communiqué : « C’est un projet à long terme et toujours en cours, il m’est donc difficile de vous donner des chiffres précis, explique Helga-Marie Nordby. Notre principal financement provient des organismes publics tels que Kulturrådet (le Conseil des arts norvégien) ou KORO (organisme gouvernemental qui s’occupe de l’art dans l’espace public) et nous avons aujourd’hui un sponsor privé, SKS (un producteur d’énergie renouvelable norvégien, NDLR) ».

Ce qui frappe, de prime abord, lorsque l’on débarque sur l’île, ce sont ces hautes structures en bois imaginées par l’architecte finlandais Sami Rintala, de l’agence Rintala Eggertsson Architects. « L’objectif, raconte-t-il, était d’imaginer un système de construction pouvant accueillir les arts plastiques et les concerts, avec la possibilité de transporter lesdites structures vers la prochaine destination. » L’homme s’inspire alors des traditionnels Fiskehjell ou « séchoirs à poisson » et dessine un module reproductible et aisément transportable. « Cette structure, à la fois économique et écologique, fonctionne comme un cadre physique et conceptuel pour héberger des projets artistiques spécifiques », souligne Sami Rintala. L’édifice principal, dédié aux arts plastiques, splendide, est constitué de 110 arches et mesure 150 mètres de long sur 12 mètres de haut. Ce principe sera également dupliqué pour ériger une salle de concerts, ainsi que, coutume oblige, un… sauna.

Projections de films dans la lumière nordique

Premier à essuyer les plâtres du bâtiment « arts plastiques » : l’artiste chinois Yang Fudong, avec une vaste installation cinématographique intitulée The Light That I Feel (« La lumière que je perçois »), visible jusqu’au 28 février 2015. Yang Fudong est ainsi venu passer un mois in situ pour réaliser son film. « Je suis un grand fan d’Ingmar Bergman et j’ai pu enfin voir de visu des paysages que je ne connaissais que par l’image, dit-il. J’ai voulu partager différentes émotions que génère cette lumière du Nord, faire des portraits mouvants des gens et de leur environnement. J’ai imaginé une façon de raconter une histoire avec des comédiens qui ne parlent pas. La montagne, les arbres, le vent ou l’océan sont, eux aussi, des acteurs. Ils peuvent raconter une histoire ». Les images de Yang Fudong, en noir et blanc, sont lentes, voire hypnotiques. Elles montrent la nature arctique de manière à la fois frontale et poétique, même si parfois, elles frisent le cliché, comme avec ces jeunes éphèbes blonds en maillot de bain, fatalement sportifs, ou ces nymphes, fatalement nues, qui batifolent dans les dunes… « Je n’ai jamais pensé à la nudité en tant que telle, mais à la beauté du corps humain, assure Fudong. Ces femmes nues exaltent la beauté du corps à l’instar de ces rochers nus, sur le rivage, qui offrent leur beauté crue… » Le film est déployé dans huit « cabanes » de projection, dont, belle trouvaille, l’écran s’anime recto verso dès la nuit tombée. Pour parer à l’hiver rude, celles-ci disposeront d’un système de chauffage : « La température descend rarement en dessous de – 8 degrés », promet Helga-Marie Nordby. Mais la commissaire d’art a déjà les yeux rivés sur le prochain printemps. Le deuxième temps de cette exposition – du 1er mars au 6 septembre 2015 – devrait ainsi accueillir une installation lumineuse de l’artiste norvégien HC Gilje et une œuvre sonore de l’Écossaise Susan Philipsz, qui n’est autre que la récipiendaire du Turner Prize 2010. Bref, du beau monde en ce bout du monde.

Salt

Initiateurs de la manifestation : Helga-Marie Nordby, commissaire arts plastiques et Erlend Mogård-Larsen, directeur du programme
Architecture : Sami Rintala, architecte et cofondateur de l’agence Rintala Eggertsson Architects (Oslo et Bodø)
Arts Plastiques : Yang Fudong, artiste

Salt

Mercredi-dimanche, horaires et programme complet sur www.salted.no.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°420 du 3 octobre 2014, avec le titre suivant : Le festival qui venait du froid

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