Art contemporain - Disparition

L'Azerbaïdjan perd le plus renommé de ses artistes

Par Emmanuel Grynszpan, correspondant à Moscou · lejournaldesarts.fr

Le 24 mai 2021 - 488 mots

AZERBAÏDJAN

Apprécié par le régime soviétique, promoteur du « style sévère », Tahir Salakhov est décédé à l’âge de 92 ans.

Ilham Aliyev, président de la république d'Azerbaïdjan, décore l'artiste Tahir Salahov. © Presidential Press and Information Office, 2018, CC BY 4.0
Ilham Aliyev, président de la république d'Azerbaïdjan, décore l'artiste Tahir Salahov.

Le peintre et sculpteur Tahir Salakhov est décédé dans la nuit de jeudi 20 mai à vendredi en Allemagne d’une pneumonie, selon sa fille Aïdan Salakhova. Âgé de 92 ans, il fut l’un des chefs du « style sévère », un courant artistique toléré par le pouvoir soviétique à partir du « dégel » de 1962. Le « style sévère » représente la vie frugale et difficile du travailleur soviétique. Il se démarque de l’art officiel (le réalisme socialiste) par une palette plus sombre et débarrassée des aspects les plus ostentatoires de la propagande soviétique, mais n’est pas exempt d’une héroïsation du travailleur. À ce titre, le « style sévère » – très à la mode aujourd’hui dans les cercles conservateurs – n’entrait pas en contradiction avec la ligne établie par le parti communiste

Promu « artiste du peuple de l’URSS », « héros du travail socialiste » et vice-président de l’Académie russe des arts, Tahir Salakhov a vécu et travaillé dans un confort véritable, à l’inverse des artistes non-conformistes devenus par la suite les représentants de l’art contemporain.

Par son histoire, il n’était pourtant pas destiné à servir le pouvoir soviétique. Son père, Teïmour Salakhov, un cadre du parti communiste, fut écarté et assassiné pendant la Grande Terreur stalinienne de 1937. Né à Bakou en 1928, Tahir Salakhov obtient en 1957 son diplôme de l’École d’art d’Azim Azimzade, mais, à cause des « crimes anti-soviétiques » supposés de son père, il n’est pas autorisé à poursuivre ses études à l’Institut Ilia Repine de Saint-Pétersbourg. Il parvient toutefois à intégrer l’Institut Sourikov d’art de Moscou, moins prestigieux. 

Puisant le plus souvent son inspiration dans son Azerbaïdjan natal, il devient célèbre grâce à un cycle de peintures consacrées à l’industrie pétrolière autour de Bakou. Portraitiste de talent, Salakhov croque ses contemporains : Dmitri Chostakovitch, Robert Rauschenberg, Rasul Gamzatov, Mstislav Rostropovich et d’autres. Grâce à son poids important dans l’institution, il aide à l’organisation d’expositions consacrées à James Rosenquist, Jannis Kounellis, Rufino Tamayo, Günther Uecker, artistes qui étaient loin d’être en faveur dans l’Union soviétique. 

Entre 1984 et 1992, Salakhov dirige le département de peinture et de composition de l’Institut académique Surikov d’art de Moscou, où il favorise l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes contemporains russes. Les peintures de Salakhov sont conservées à la Galerie nationale Tretiakov (Moscou), au Musée national de l’Orient (Moscou), au Musée d’art moderne de Moscou, au Musée national russe (Saint-Pétersbourg), et au Musée national d’art d’Azerbaïdjan (Bakou).

Le record de vente aux enchères de l’artiste a été établi en 2015, lorsqu’un portrait de sa fille Aïdan Salakhova (une artiste célèbre en Russie) s’est vendu pour 405 000 dollars. Plusieurs autres œuvres se sont échangées pour des sommes entre 40 000 et 60 000 dollars dans les années 2010. On trouve également des peintures et des œuvres graphiques pour des sommes nettement plus abordables sur les sites d’enchères en ligne russes.
 

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque