Mamco

La preuve par 7

Ouvert il y a quinze ans, le Mamco de Genève s’applique à entretenir son élan fondateur

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 10 novembre 2009 - 514 mots

GENÈVE - Le Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) de Genève, qui fête cet automne son quinzième anniversaire, constituait un pari audacieux quand il a démarré ses premières activités dans un siège alors en friche.

Au fil des ans, il est pourtant devenu l’une des institutions incontournables de Suisse. Son modèle en fait une structure en perpétuel mouvement, tant du point de vue de ses expositions temporaires – ce qui est somme toute logique – qu’au niveau de sa collection permanente – ce qui l’est beaucoup moins. Ceci s’explique grâce au dépôt de plus de 2 000 œuvres, souvent de collectionneurs ou même d’artistes, qui viennent enrichir sa propre collection de 1 450 numéros.
L’institution présente en ce moment un ensemble important de pièces d’artistes tels que Dennis Oppenheim, Christo ou Claudio Parmiggiani. Dans ce contexte, les deux salles réservées à l’exposition personnelle de Pierre-Olivier Arnaud offrent un écho contemporain à une esthétique dont les racines sont à chercher du côté des artistes qui s’approprièrent les premières photocopieuses dans les années 1960. L’intervention du Français, avec ses images en noir en blanc qui jonchent le sol quand d’autres sont simplement collées au mur, interroge notre propre rapport à ces photographies. Le noir et blanc a décidément envahi le Mamco, puisque pratiquement un étage entier a été réservé à la production d’Alain Huck. Cet artiste suisse expose en particulier de grands dessins au fusain, pièces noires et intrigantes qui emmènent le spectateur dans un sous-bois ou dans un relais de chasse décoré de trophées. Ce chapitre se clôt avec les dessins de Marc Bauer, lauréat du Prix culturel Manor 2009.
Très marquantes sont aussi les trois salles montrant l’évolution récente du travail de Cathryn Boch. Cette dernière poursuit son corps à corps avec la matière, le papier principalement, dans des dessins où le support est attaqué, entaillé, froissé, déchiré, cousu… Comme à Castres (lire le JdA n° 310, 2 octobre 2009), l’artiste est intervenue directement sur le mur. Dans la première salle, un dessin blanc comme le lait se laisse deviner et crée un lien tendu entre deux extrémités de l’espace. Ailleurs, elle a transposé sur un mur une œuvre plus ancienne, dont le contour est venu s’incruster sur son support, qu’elle n’a pas hésité à attaquer à la scie circulaire pour mieux en fouiller les entrailles. Le corpus de la vingtaine de pièces ici exposées, tout en violence pure, questionne l’alchimie (la chimie) du corps tant dans sa dimension organique que psychologique, dans un face-à-face qui tire sa puissance de son absence totale de concession. Autre artiste venant de l’est de la France, Patrick Neu expose, à côté, d’intrigants verres enfumés sur lesquels viennent s’inscrire des compositions inspirées d’œuvres de la Renaissance. Enfin, ce parcours automnal s’achève par deux artistes de l’ex-bloc de l’Est, avec une vidéo « marxiste » de Deimantas Narkevicius, et un très bel ensemble de peintures du Russe Erik Bulatov.

L’ESPÈCE DE CHOSE MÉLANCOLIE, jusqu’au 17 janvier 2010, Mamco, 10, rue des Vieux-Grenadiers, Genève, Suisse, tél. 41 22 320 61 22, www.mamco.ch, tlj sauf lundi 12h-18h, samedi et dimanche 11h-18h

L’ESPÈCE DE CHOSE MÉLANCOLIE
Nombre d’expositions monographiques : 7
Commissaire : Christian Bernard

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°313 du 13 novembre 2009, avec le titre suivant : La preuve par 7

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