Chantier public

La petite maison dans la périphérie

Par Olivier Michelon · Le Journal des Arts

Le 21 novembre 2003 - 602 mots

Habitué du centre d’art de Brétigny-sur-Orge, l’Atelier Van Lieshout y revient pour signer un équipement culturel et une installation prophétique sur l’environnement.

 BRÉTIGNY-SUR-ORGE - L’Atelier Van Lieshout poursuit ses aventures dans l’Essonne. En 1999, invités au Centre d’art de Brétigny-sur-Orge, les Hollandais avaient installé Chicken Run, un poulailler nomade greffé à une voiture, deux ans avant de venir répondre à une commande de l’institution débouchant sur une excroissance permanente du bâtiment. Aujourd’hui, le groupe poursuit ses travaux d’extensions tout en exposant un de ses derniers projets. Les allers-retours constants des Bataves dans cette institution de la périphérie parisienne ne sont pas le simple fruit du hasard. Ils s’accordent parfaitement avec la vocation du lieu, son histoire et sa configuration, comme le montre le texte écrit par Pierre Bal-Blanc à l’occasion de son arrivée récente à la direction du centre d’art. « L’aménagement [du centre] est caractérisé par un dialogue permanent avec un site architectural qui n’a pas été conçu pour recevoir ce type d’activité. Cette relation témoigne de l’histoire et de la politique des centres d’art en France, de la création progressive, dans des locaux existants, de lieux d’essai, plutôt que la définition d’une norme architecturale dédiée à cette activité expérimentale. […] L’histoire des centres d’art, des rapports à l’art aux réalités sociales et économiques est lisible dans le collage et l’adaptation des dispositifs de travail, d’exposition et d’accueil qui composent ce type de lieu. »
Modernes, flexibles, adaptables, collectives, nomades et souvent autonomes, les propositions architecturales de l’Atelier Van Lieshout répondent à ces critères. Voilà pour le côté positif. Dans leur partie obscure, elles sont aussi (et souvent pour les mêmes raisons) des apparitions cyniques venues d’un futur trop proche. Le point fort de l’exposition de Brétigny-sur-Orge est justement d’aborder les deux faces de l’Atelier. À l’instar de ses compatriotes hollandais (les architectes Koolhaas, avec OMA et AMO bien sûr, mais aussi MVRDV et ses scénarios critiques Pig City et Metacity Datatown), Joep van Lieshout construit et projette, répond et dramatise. Posé devant le centre d’art, The Edutainer est une construction résultant de l’assemblage de deux containers et d’une citerne. Une enveloppe industrielle de transit qui cache une petite cabane chaleureuse apte à accueillir les activités pédagogiques de l’institution. Avec son parquet en bois, elle est l’exemple même du bonheur dans les friches.
Signalé par un château d’eau à l’extérieur, le Technocrat qui sommeille à l’intérieur du centre d’art est lui une prévision apocalyptique mais redoutablement planifiée. Brouettes, bac à grains, marmite, l’arsenal d’élevage qui est exposé ici constitue en fait la première chaîne du projet du Technocrat – dont la dernière partie, The Total Faecal Solution, a été précédemment montrée à Venise. Dans cette vaste chaîne alimentaire, les êtres humains sont dans des casiers ; sous perfusion de féculents et assommés d’alcool, ils sont réduits à la mesure de leurs intestins. L’homme n’est qu’une machine destinée à fabriquer l’engrais nécessaire à l’engraisser. Image inversée de Cloaca, la machine à fabriquer des excréments de Wim Delvoye, The Technocrat est un circuit de recyclage parfait, poussé jusqu’à l’absurde. L’homme a désormais sa place dans la chaîne. Remercions le grand architecte.

Phalanstère

Parallèlement à l’exposition de l’Atelier Van Lieshout, le centre d’art propose un tour d’horizon de ses futurs projets. L’exposition « Phalanstère », qui regroupe les travaux d’une vingtaine d’artistes dont Santiago Sierra, Mathieu Mercier, Roman Ondak ou Jens Haaning, se propose d’aménager les lieux communs d’informations et de circulations que la structure partage avec le théâtre et la médiathèque au sein de l’Espace Jules-Verne. Un accrochage qui vise à rapprocher les activités et souligner la façon dont les œuvres modifient leur espace environnant.

ATELIER VAN LIESHOUT, THE TECHNOCRAT, jusqu’au 20 décembre, THE EDUTAINER, installation prolongée sur un an, Centre d’art contemporain de Brétigny, Espace Jules-Verne, rue Henri-Douard, 91220 Brétigny-sur-Orge tél. 01 60 85 20 76, du mardi au samedi 14h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°181 du 21 novembre 2003, avec le titre suivant : La petite maison dans la périphérie

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