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La France dématérialisée

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 29 avril 2005 - 462 mots

De Massaud à Ora-Á?to, des designers hexagonaux inégaux au rendez-vous incontournable de Milan.

Plusieurs designers sont en vedette cette année à Milan : l’Espagnole Patricia Urquiola (Foscarini, Moroso, B&B, Molteni, De Padova, Fontana Arte…), le Japonais Naoto Fukasawa (Driade, Danese, Magis, B&B, Artemide…), le Néerlandais Marcel Wanders (Cappellini, Flos, Moooi, Moroso, B&B…) et… le Français Jean-Marie Massaud (Porro, Poltrona Frau, Cassina, B&B…). Du côté de la France, d’ailleurs, le constat est mitigé. Toujours très actif dans la revisitation des pièces emblématiques du passé, Starck, avec le bureau BaObab (Vitra), montre cette fois qu’il connaît son Maurice Calka sur le bout des doigts, en particulier le fameux bureau Boomerang (1970). Pis, chez le fabricant de luminaires Artemide, Jean-Michel Wilmotte s’avère en panne d’inspiration avec Blister, une suspension en méthacrylate. Elle paraît s’inspirer de cette collection de meubles et d’objets que le maître Andrea Branzi avait exposée lors de l’édition précédente. Sa collection, dont chaque pièce est constituée de coques en… méthacrylate, était simplement baptisée… « Blister » (lire le JdA n° 203, 19 novembre 2004). Étrange coïncidence.
Plus inspirée, en revanche, est l’exposition consacrée à Pierre Charpin, proposée par la Design Gallery et intitulée « Oggetti Lenti » (« Objets lents »). Une présentation conséquente, quoique moins surprenante, car sans doute moins radicale, que sa précédente exposition, « Stands », montrée en 2002, dans cette même galerie. Davantage identifiables, ces meubles et objets – lampes, coupes, boîtes, porte-livres, vases, rangements… – ont été réalisés dans les matériaux les plus divers : bois teinté ou naturel, marbre, fonte de bronze, verre soufflé, inox poli, métal laqué… L’ensemble est cohérent et d’excellente facture.
Reste, enfin, cette exposition présentée par le Centre culturel français de Milan (CCFM) et modestement intitulée « Ora-Ïto Museum ». Elle présente, par l’intermédiaire de sept bornes percées d’« encoches de visionnage voyeur », quelques travaux de Pascal Morabito, dit Ora-Ïto, 28 ans, as de l’imagerie virtuelle, qui tente, depuis quelque temps, de négocier le difficile passage de la 2D à la 3D. L’occasion était belle pourtant de profiter du tremplin que constitue le Salon du meuble pour exposer un groupe de designers, le vivier français étant, par bonheur, ample. Or le CCFM, qui plus est « avec le conseil scientifique du Centre Pompidou », a préféré surfer sur la vague médiatique et montrer de l’image, plutôt que du design. Pourquoi ce choix ? « [Ora-Ïto] a compris très vite que l’intérêt d’un produit réside autant dans la communication et la promotion de l’image que dans le produit lui-même, explique Jean-Paul Ollivier, directeur du CCFM. Cette intuition lui a permis de dématérialiser le design et de le transformer en image » (sic !).
Pitié, le design a trop à perdre justement de cette virtualisation excessive, en vogue actuellement. Rematérialisons-le et fissa !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°214 du 29 avril 2005, avec le titre suivant : La France dématérialisée

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