Graphisme

La Californie s’affiche à Paris

Le Journal des Arts

Le 18 février 2005 - 602 mots

Le Musée de la publicité propose une double exposition centrée sur San Francisco et Los Angeles.

 Paris - Deux expositions d’affiches donnent un aperçu de la création graphique en Californie (San Francisco, fin des années 1960, et Los Angeles, décennies 1980-2000) et permettent de prendre la mesure de son inventivité, en rupture radicale avec la rigueur fonctionnaliste des avant-gardes. Le trait commun est sans doute le refus de la lisibilité immédiate, reléguée au rang de stratégie publicitaire, au profit de compositions complexes requérant un déchiffrage actif. L’abandon de la grille comme norme de composition, l’abolition des frontières traditionnelles entre texte et image et l’émancipation de la typographie, objet d’expérimentations inédites, instaurent un nouveau régime de lisibilité. Le recours à la citation, l’emprunt à l’environnement immédiat multiplient les niveaux de lectures et supposent l’existence d’un système référentiel collectif. Il en résulte une esthétique cryptée, reposant sur un principe d’appartenance communautaire. La dimension réduite des affiches suggère une diffusion proche du tract.
« Psy[k]é/Off the Wall » montre pour la première fois une sélection d’affiches données en 1972 au Musée de la publicité, à Paris, par Alex Janos, étudiant à San Francisco au plus fort du mouvement beatnik. Œuvres d’une douzaine de graphistes (Wes Wilson, Victor Moscoso, etc.), elles assurent la promotion des concerts de deux haut lieux du rock psychédéliques de San Francisco : le Fillmore Auditorium et l’Avalon Ballroom  (The Grateful Dead, The Jefferson Airplane, The Holding Company, etc.). On a associé les séductions rétiniennes de ces affiches – éventail chromatique contrasté, composition kaléidoscopique, formes flottantes comme réfléchies par des miroirs déformants – à l’univers des psychotropes, indissociable du mouvement psychédélique. Un goût prononcé pour la citation et la fusion des genres (Art nouveau, op’art, style western ou aztèque) ; l’évolution de la profession des graphistes, appelés à jouer un rôle accru et volontiers enclins à la démonstration de virtuosité ; l’investissement financier de promoteurs d’événements culturels misant sur le mouvement psychédélique : autant de facteurs qui ont déterminé cet épisode florissant.

Une affaire de femmes
« Earthquakes & Aftershocks  », réalisée par l’école des beaux-arts de Rennes et reprise par le Musée de la publicité, présente pour sa part une sélection d’affiches conçues et produites depuis 1980 par les étudiants du département de design graphique de CalArts, école d’enseignement artistique pluridisciplinaire inaugurée en 1971 à Los Angeles. Ces affiches, annonçant la programmation de l’auditorium de l’école, constituent a posteriori une archive documentaire de la création graphique et de l’activité culturelle au sein de l’institution.
Historiquement, le graphisme à CalArts est une affaire de femmes. Sheila de Bretteville a défendu un graphisme subjectif, délibérément low-tech et vernaculaire ; April Greiman, pionnière de l’utilisation des nouvelles technologies, a proposé une étude de leur impact sur le design graphique ; Lorraine Wild a mis l’accent sur la question du sens et sur la nécessité de mener une réflexion théorique. Louise Sandhaus, enseignante à CalArts, a introduit la conférence qu’elle a donnée à Rennes par une série de photographies de tremblements de terre et glissements de terrain survenus à Los Angeles, suivie par une citation de Lorraine Wild « The design profession can legislate educational standards, but not innovation or excitement » (les graphistes peuvent codifier l’enseignement, pas la créativité ou l’émotion).

- Psy[k]é/OfF the Wall, Affiches de San Francisco 1966-1969, jusqu’au 27 mars, Musée de la publicité, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, www.museedelapublicite.org, du mardi au vendredi 11h-18h, samedi-dimanche 10h-18h. Cat. coéd. Les Arts Décoratifs/Thames & Hudson, conception graphique : Laurent Fétis, 144 p., 120 ill., 30 euros - Earthquakes & Aftershocks, jusqu’au 6 mars, même lieu, même adresse.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°209 du 18 février 2005, avec le titre suivant : La Californie s’affiche à Paris

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