Joe Sorren, sereinement

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 23 octobre 2015 - 336 mots

Joe Sorren opère sans calcul, avec la nonchalance authentique du skateur qu’il est encore, à 45 ans, sans même prétendre à un titre dans la sous-culture alternative.

Depuis 25 ans, l’illustrateur partage son imaginaire à l’huile, riche et raffiné, sur de larges toiles, mu par une liberté d’expression totale, une sensibilité brute et ludique, affranchie de toutes les règles académiques. Médaille d’or de l’exigeante Société des illustrateurs de New York puis de Los Angeles en 1997, ses choix sont confortés par son succès – il est réclamé par le magazine Rolling Stone, The New Yorker, le Los Angeles Times, Warner Brothers et Atlantic Records où son inimitable style opère autant que le charme onirique de ses images uniques. Le casting qu’il dévoile est sans fin avec, cependant, une récurrence : des personnages patatoïdes ou vaporeux, solitaires ou isolés, habités de sentiments polysémiques, flottant entre la mélancolie et la sérénité dans une atmosphère diffuse, des décors noueux, une mise en scène volontairement ouverte à l’interprétation.

Adoubé depuis par les collectionneurs avisés qui aiment se perdre dans ses rêves énigmatiques, Joe Sorren n’a pas l’ambition de bousculer les codes ni de s’inscrire dans un courant. Et s’il fallait en mentionner un, ce serait évidemment le Lowbrow Art ou le pop surréalisme, nés d’ailleurs presque en même temps que lui, dans le même pays où le poids du passé culturel n’est pas aussi lourd qu’en Europe. Ses images font écho à quelques résonances stylistiques : la touche et les fondus de Turner – à moins que ce ne soit ceux de Dalí. Il y a également du Redon sous quelques cieux, et des articulations dignes de Bosch. Mais ces échos restent anecdotiques, tout au plus s’agit-il d’un vocabulaire purement technique, hérité de sa formation aux beaux-arts en Arizona. Sa collaboration avec le sculpteur Jud Bergeron atteste que son univers peut également se matérialiser et nous offrir une belle déclinaison poétique. Privilège offert par cet artiste généreux : on peut suivre l’élaboration de ses œuvres en temps réel sur joesorrenlivestream.com.

Joe Sorren, Painting – Sculpture, 2004-2010, Gingko Press, 28 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°684 du 1 novembre 2015, avec le titre suivant : Joe Sorren, sereinement

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