Disparition

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Gilles de Bure, une plume libre

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 septembre 2013 - 678 mots

Notre chroniqueur sur l’architecture Gilles de Bure, décédé en juillet à l’âge de 72 ans, était un véritable narrateur de la création contemporaine

Gilles aurait été le premier surpris par la considérable affluence dans la salle de la Coupole du Père Lachaise en ce jour d’été. Lui dont le parcours professionnel a fondamentalement été celui d’un free-lance, ou plutôt un « indépendant » aurait dit ce littéraire. C’est pourtant un travail classique de responsable des relations publiques de l’éditeur et publicitaire Robert Delpire qui le fait entrer en 1966 dans la culture par le biais de la communication, dont il gardera toujours le sens de l’efficacité et de la narration. Très vite, il met un pied dans la presse qu’il ne quittera plus pendant quarante ans. Il participe à l’aventure de la revue Créé (Création et recherche esthétique européenne) en tant que chef de rubrique avant de reprendre sa liberté et n’y collaborer qu’en tant que rédacteur. L’histoire sera la même avec la revue Muséart en 1990. Gilles est un franc-tireur préférant piger pour de nombreux journaux plutôt que s’attacher à une rédaction. Il collabore ainsi à de nombreux titres, Vogue Homme, Globe, Actuel, City Magazine, Les Nouvelles littéraires, Technikart et depuis 1998 au Journal des Arts. Capable de couvrir tous les champs des arts plastiques, c’est le design et plus encore l’architecture, dont il est devenu l’un des spécialistes reconnus, qui le passionne le plus. Comme de nombreux observateurs autodidactes, c’est par leur auteur qu’il aborde les œuvres contemporaines, n’hésitant pas à indiquer ses préférences, comme en témoignent les portraits, parus en 2010, d’une quarantaine de créateurs « passés » par l’École nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad), éloquemment intitulés Que sont mes amis devenus ? Auteur prolixe, il publie une quarantaine d’ouvrages, notamment des monographies des architectes Bernard Tschumi et Dominique Perrault.

Journaliste, critique d’art, auteur, enseignant (à l’Ensad et à l’ École nationale supérieure de création industrielle), commissaire d’exposition, « il a aussi été un acteur pleinement engagé dans la politique culturelle de la France », ainsi que le souligne la ministre Aurélie Filippetti dans son hommage écrit. Un acteur certes, mais pas un apparatchik de la culture. Il anime la Galerie d’actualité du Centre de création industrielle de 1975 à 1977, mais ne rejoint pas le Centre-Pompidou à son ouverture ; il gère la programmation de la toute nouvelle Grande Halle de la Villette, mais n’y reste qu’un an (1984-1985) ; Claude Mollard lui confie en 1982 l’organisation de la manifestation « Douze murs peints en France », mais il n’entre dans aucun cabinet ministériel. Dandy hédoniste, formidable conteur, Gilles aime butiner d’expérience en expérience, de fleurs en fleurs, sachant cependant donner de la profondeur et de l’élégance à ses relations professionnelles. Il n’est donc pas surprenant que tant de monde ait voulu lui rendre un dernier hommage. Il va beaucoup manquer au Journal des Arts.

Élégance

L’élégance, celle d’abord d’un homme grand et beau, veillant toujours avec soin à son apparence, mais surtout celle d’un être noble, attaché à sa relation avec les autres. « Mon cher », commençait-il sa phrase, naturellement, sans clause de style. Féru de citations, il aimait rappeler celle de Talleyrand : « Je pardonne aux gens de n’être pas de mon avis, je ne leur pardonne pas de n’être pas du leur ». Toujours courtois, charmeur, Gilles de Bure était aussi un être de conviction. Et puis l’élégance de l’écriture, sa calligraphie au stylo-plume, celle du choix des mots, de son don pour ciseler les phrases, de son inépuisable érudition. Pour cet auteur multiple, le design, l’architecture, toute création naissait d’une histoire, d’une rencontre, d’un contexte et il se faisait le conteur attentif et joyeux de cette histoire. Son dernier projet était un livre sur Marc Berthier, car il trouvait injuste qu’aucune monographie ne soit encore consacrée à ce designer. À son habitude, il avait séquencé « l’histoire », construit les chapitres et leur rythme, pensé l’iconographie. « Tout le livre est dans ma tête, il faut que je retrouve de la force pour l’écrire »…

Emmanuel Fessy

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : Gilles de Bure, une plume libre

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