Art contemporain

Gérard Traquandi, chef d’orchestre

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 24 juin 2016 - 531 mots

L’abbaye de Montmajour, à Arles, invite Gérard Traquandi à réaliser une exposition, dans laquelle le peintre se met au service des autres.

Ce qui le fascine dans l’art, « c’est que l’artiste est au service de quelque chose de plus grand que lui. » Né en 1952 à Marseille, Gérard Traquandi vit entre sa ville natale, son atelier situé à Aix-en-Provence et Paris où il jouit d’un atelier beaucoup plus vaste pour peindre de très grandes toiles. Dans l’atelier d’Aix, plusieurs toiles monochromes, en fait des fonds lentement élaborés, sèchent contre un mur immaculé. En face, une gravure de Cézanne côtoie une série de petites peintures réalisées sur de fines planches de tilleul habituellement utilisées pour peindre les icônes. Un sentiment de clarté sereine se dégage du lieu, une ancienne chapelle du couvent des visitandines située au centre de la ville. Non loin de là habitait Cézanne, comme le rappelle l’artiste.

Loin des clichés éculés sur la mort annoncée de la peinture, Traquandi poursuit ses recherches picturales, sans négliger le dessin, la photographie et la sculpture de petites terres cuites émaillées. Jeune homme, il a passé son diplôme des Beaux-arts de Marseille « avec un carton à dessin ». Au tournant des années 1980, la découverte d’œuvres de Richard Serra et de Joseph Beuys, entre autres, crée un choc. « Ça a été violent. La “physicalité” de ces travaux m’est apparue essentielle. J’ai arrêté pendant deux ans et demi de faire quoi que ce soit. Puis je suis reparti de là où j’avais arrêté… »

Profession de foi
Aujourd’hui, sa peinture, de lumineuses empreintes épurées sur fond monochrome, exige un temps long du regard. Chaque toile est élaborée en suivant un protocole très précis. L’artiste commence par peindre un fond en déposant de nombreuses couches jusqu’à obtenir une surface picturale extrêmement maigre, donc mate. Puis il termine le tableau en appliquant sur la toile posée sur le sol une feuille de papier enduite par endroits de peinture. « L’accord, ça marche parce qu’il y a un truc qui brille et un truc qui ne brille pas, ça me régale de faire ça, c’est physique. Le fond, c’est très important qu’il soit mat : si c’est mat ça gagne en autonomie. »

Invité à réaliser une exposition dans l’abbaye de Montmajour, qui est pour lui « une profession de foi », Gérard Traquandi partage les espaces de l’abbaye avec sept artistes choisis en forte cohérence avec ses propres exigences. « L’extrême conscience des matériaux, des formes, des espaces, du poids, des surfaces dont ils témoignent nous engage à prendre conscience du monde physique qui nous entoure. » Ceci est particulièrement probant pour neuf petites huiles sur toile visibles dans la salle capitulaire, peintes par Hilma af Klint (1862-1944), une pionnière de l’art abstrait qui voulut que son œuvre ne puisse être montrée que vingt ans après sa mort. Sans oublier les sculpteurs Bernd Lohaus (1940-2010) et Giovanni Anselmo (né en 1934). Dans la salle du trésor, quelques œuvres patrimoniales, parmi lesquelles une troublante tête d’ange en calcaire du XIIe siècle, créent de pertinentes résonances avec le passé religieux de l’édifice. Gérard Traquandi expose également cet été au Musée des beaux-arts de Rennes.

« Carte blanche à Gérard Tranquandi à Montmajour », jusqu’au 18 septembre 2016. Abbaye de Montmajour, route de Fontevieille, Arles (13). Ouvert tous les jours sauf le lundi, de 10h à 17h et jusqu’à 18h30 de juin à septembre. Tarifs : 7,50 et 6€. www.abbaye-montmajour.fr

« Gérard Traquandi », jusqu’au 28 août 2016. Musée des beaux-arts de Rennes, 20 quai Émile-Zola, Rennes (35). Du mardi au vendredi de 10 h à 17 h, jusqu’à 18 h le week-end. Tarifs : 5 et 2 €. www.mbar.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°692 du 1 juillet 2016, avec le titre suivant : Gérard Traquandi, chef d’orchestre

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