Fondation Cartier

Gary Hill, entre or et huile

L’artiste offre, à travers deux installations monumentales, une plongée vertigineuse mêlant idées et impressions. Et invite à réfléchir sur l’art vidéo aujourd’hui

Le Journal des Arts

Le 8 janvier 2008 - 553 mots

PARIS - Bien qu’il n’y ait que deux oeuvres dans l’exposition personnelle de Gary Hill à la Fondation Cartier, il serait difficile de quantifier le vertige d’idées et impressions qui en émanent. Dans la grande salle de verre, Guilt : des lunettes astronomiques braquées sur la rotation lente d’une pièce d’or. Recto verso : un corps reçoit des coups. Douche d’insultes proférées par l’artiste contre sa propre création. Puis à l’oeil nu et l’oreille libre, la pièce tourne lentement, dans le silence, moins significativement. Dans le noir de l’autre salle, Frustrum : un aigle en image de synthèse règne sur un bassin d’huile. Il bat des ailes. Elles font claquer les fils du pylône électrique dans lequel il est enfermé, et ondoyer la surface huileuse. On en garde la vision d’un arrêt donné à l’hégémonie américaine de vouloir tout embrasser, le souvenir d’un ensemble d’images statiques et l’odeur âpre de l’huile ; un peu comme après avoir vu une peinture, mais ici, la composition est plus large, multidimensionnelle, symboliste, technologique. Aussitôt, j’ai voulu prendre contact avec cet artiste pour faire le point sur son oeuvre et sur la notion de vidéo art. Gary Hill était sculpteur avant de commencer à utiliser le son et la vidéo au début des années 1970. Aujourd’hui, il ne considère pas son travail comme de l’« art vidéo ». Il préfère dire qu’il crée « un espace poétique » dans lequel interfèrent l’objet, la projection, la performance et le visiteur à travers un processus pluridisciplinaire : « À l’intérieur de ce dispositif, j’utilise le média électronique pour ses capacités cybernétiques, et en particulier la possibilité de rétroaction. » Et il sait l’allier avec la matière dont le rôle est essentiel : « L’or et l’huile ont de multiples significations symboliques, historiques et éthiques ainsi que des caractéristiques physiques singulières. » Si ma traduction est bonne, il dit utiliser ces matières pour qu’elles « se reflètent dans l’esprit des visiteurs », avant d’ajouter : « L’or a toujours été une valeur de référence dans l’histoire. Nous sommes arrivés à un moment où la valeur de l’or remonte. Et le dollar américain est sur le point de perdre son statut de devise mondiale. » L’art vidéo ne serait donc plus enfermé dans un simple écran. Cette exposition démontre combien les nouvelles installations multimédias sont devenues muséographiques : elles investissent un espace qui ne peut que leur être dévolu. La première acquisition d’une telle oeuvre se fait souvent en direct, à travers une commande ou une galerie. Les reventes sont ensuite rares. La vente publique intervient donc peu sauf à de rares exceptions comme récemment pour des oeuvres de Bill Viola. Cependant, il faut remarquer la place grandissante qu’occupent au sein des institutions et des grandes collections des artistes comme Gary Hill : Bruce Naumann, en plus conceptuel, Doug Aitken, en plus réaliste. Gary Hill s’étonne encore de voir dans les biennales « toutes ces vidéos projections, bien souvent inoffensives, narratives, qui se veulent branchées. Leur possibilité de vie est virtuellement nulle. Heureusement, il existe des exceptions comme le travail de l’Argentin Sebastian Diaz, mais il faut souvent patauger dans la camelote avant de trouver un peu d’or. »

GARY HILL

Jusqu’au 27 février, Fondation Cartier, 261, boulevard Raspail, 75014 Paris, tél. 01 42 18 56 50, tlj sauf lundi 12h-20h, www.fondation.cartier.fr

GARY HILL

- Commissaire : Grazia Quaroni, conservatrice à la Fondation Cartier - Nombre d’oeuvres : 2 installations (une par salle) - Scénographie : Gary Hill

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°250 du 5 janvier 2007, avec le titre suivant : Gary Hill, entre or et huile

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