Rétrospective

Éloge de la surface

À la Fondation Beyeler, Jeff Koons impose ses images qui claquent, efficaces mais creuses

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 6 juin 2012 - 467 mots

RIEHEN / BÂLE - Les amateurs de l’imagerie heureuse et acidulée de Jeff Koons seront aux anges. La Fondation Beyeler, à Riehen près de Bâle, consacre à l’artiste américain un ample accrochage concentré sur trois ensembles d’œuvres présentés de manière strictement chronologique : les aspirateurs et shampouineuses à moquettes posés sur des tubes de néon (« The New », 1980-1987), les travaux emblématiques de la série « Banality » (1988), en porcelaine ou en bois artisanalement confectionnés, qui, entre personnages de la culture populaire, jouets et imagerie religieuse, ont propulsé Koons vers la célébrité.

Enfin « Celebrity », débutée en 1994, avec ses imitations d’objets gonflables en acier chromé rutilant accompagnées de tableaux figurant des objets – souvent ses propres sculptures ! – sur des fonds clinquants, qui, quoique très minutieusement exécutés, sont une épreuve pour la rétine. La puissance de feu de la Fondation a de nouveau permis d’obtenir des prêts prestigieux afin de reconstituer des ensembles importants. Formidable, une salle entière consacrée aux aspirateurs – sans doute le meilleur corpus d’œuvres de l’artiste, avec ses aquariums « Equilibrium » – s’impose d’emblée. Elle pose efficacement la question du ready-made et de sa possibilité à la fin du XXe siècle ; une question que Koons semble avoir oubliée en chemin, et c’est bien le problème. Car de l’objet et de son pouvoir, de son rôle et de sa signification sociale, l’artiste, mu par un sens aiguisé et une parfaite maîtrise de l’image et de la communication, semble par la suite ne plus retenir que la surface.

Quête du plaire
Tout glisse en effet chez Koons, qui, préoccupé par la confection d’un art immédiatement appréhensible, milite « pour le retour du figuratif, et pour que l’artiste reprenne la responsabilité de la manipulation et de la séduction », ainsi qu’il l’affirme en 1990. Cette quête du plaire et d’un optimisme béat semble être devenue impérieuse au point que nulle œuvre, à partir de « Banality », n’offre jamais le moindre point d’accroche, la plus petite aspérité ou une quelconque capacité de résistance à la lecture ou à l’interprétation facile, à l’instar de l’imagerie publicitaire. Les faux gonflables de « Celebrity » en sont comme un point d’accomplissement, où très vite s’évacue le motif lui-même au profit, pour le spectateur, d’un jeu avec la réflexion et la déformation de sa propre image.
S’installe alors au cours de la visite une sensation de platitude si ce n’est d’ennui. Et le fait qu’une commissaire aussi talentueuse que Theodora Vischer ne soit pas parvenue à animer l’ensemble résonne comme une impossibilité à dépasser… les effets de surface justement.

JEFF KOONS

Jusqu’au 2 septembre, Fondation Beyeler, Baselstrasse 101, Riehen/Bâle, tél. 41 61 645 97 00, www.fondationbeyeler.com, tlj 10h-18h, mercredi 10h-20h. Catalogue, éd. Hatje Cantz, 212 p., 154 ill., 68 CHF (env. 56 euros), ISBN 978-3-906053-01-1.

KOONS

- Commissariat : Therodora Vischer et Samuel Keller

- Nombre d’œuvres : environ 50

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°371 du 8 juin 2012, avec le titre suivant : Éloge de la surface

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