Photographie

Delphine Balley

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 26 octobre 2021 - 530 mots

LYON

Pour ses dernières créations, Delphine Balley dit « avoir beaucoup lu sur les pratiques funéraires et beaucoup regardé de peintures sur le sujet ».

Elle s’est aussi rendue dans des agences funéraires « pour observer comment on théâtralise les derniers moments ». Rien de morbide dans sa démarche, mais un intérêt pour la mise en scène de ce rituel qui fait écho au mariage ou au passage de l’enfance à l’adolescence qu’elle a déjà photographiés.

Par le biais d’une nouvelle histoire de famille interprétée par des personnes de son entourage, le rituel se rejoue au sein d’un huit clos que rien de l’extérieur ne vient perturber. Une troublante étrangeté règne indubitablement sur les univers de l’artiste plongés dans une lumière feutrée qui annihile les saisons, le jour et la nuit. Car, dans les photographies comme dans les films de Delphine Balley, tout est sujet : les personnages autant que les objets. Une cafetière en porcelaine posée sur un guéridon ou portée par un homme en habit, un ruban de taffetas bleu noué autour d’un chignon décoiffé, une tête de cerf sculptée sur la crosse d’un fusil tenue d’une main ferme suffisent à incarner une situation, un état, des codes. Décor, éclairage, mobilier, objets, costumes, accessoires, coiffures ou maquillage : le soin apporté à chaque composant et détail se retrouve dans chaque image, chaque plan. Un simple regard ou geste dit également beaucoup d’un sentiment. Dès l’École nationale supérieure de la photographie à Arles, elle s’est inscrite dans une pratique de la mise en scène photographique. Dès le début, elle a aussi mis hors sujet l’autofiction. « Deux seuls essais ont suffi à écarter définitivement mon apparition dans l’image », précise-t-elle. Films ou photographies, l’interprétation des personnages par des membres de sa famille ou des proches ne s’inscrit pas davantage dans cette veine. Le choix en revanche du XIXe siècle pour décor, costumes et atmosphère de ses images puise dans son intérêt pour les intérieurs bourgeois et « la grande variété de tissus, de velours, taffetas, broderies et papiers peints créés durant cette période et que l’on ne retrouve pas dans un décor contemporain », souligne-t-elle. « Je viens d’une famille de tisseurs », précise-t-elle pour expliquer cette sensibilité à la matière, aux matériaux et aux touchers. L’usage de la chambre photographique pour la prise de vue s’est ainsi inscrit naturellement pour la restitution au mieux du détail et de la lumière.

L’univers visuel des rites de passage que Delphine Balley revisite ne peut se dissocier enfin de son « grand amour pour la photographie du XIXe ». Il irrigue la monographie que lui consacre actuellement le Musée d’art contemporain de Lyon, la première de sa carrière. Toutes les œuvres produites par et pour l’institution, à l’exception de deux films, expriment cet intérêt, non sans toujours y introduire un ou plusieurs éléments perturbateurs et anachroniques. Déstabiliser et, contre toute attente, rendre l’image immersive, qu’elle soit fixe ou en mouvement : un savoir-faire qui devrait toutefois emprunter un tout autre chemin dans les prochaines œuvres.

 

1974
Née à Romans-sur-Isère (Drôme)
2009
Première exposition personnelle à la galerie Le Réverbère, Lyon
2013-2014
« Le pays d’en haut » , Galerie Suzanne Tarasieve, Paris
2019
Prix Camera Clara
2021
Première monographie au Musée d’art contemporain de Lyon
« Delphine Balley. Figures de cire »,
jusqu’au 2 janvier 2022. Musée d’art contemporain, Cité internationale, 81, quai Charles-de-Gaulle, Lyon (69). Du mercredi au dimanche, de 11 h à 18 h. Tarifs : 8 et 4 €. Commissaire : Agnès Violeau. www.mac-lyon.com

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Delphine Balley

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