Brise-soleil cinétique

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 18 avril 2016 - 426 mots

LISBONNE - Planté face au Tage, sur l’avenue principale 24 de Julho, l’édifice, nouveau siège d’EDP, l’électricien national portugais, est des plus énigmatiques, cultivant avec un malin plaisir son ambivalence en exhibant deux visages, le premier transparent, le second opaque, sans que l’un ne prenne le pas sur l’autre.

« Ce site est très sensible, car il y a, ici, une très grande interaction entre la ville et le fleuve, explique Manuel Roca Mateus, architecte du projet avec son frère Francisco Xavier Mateus, au sein de l’agence lisboète Aires Mateus. Nous ne voulions pas boucher la vue entre la colline et l’eau en obstruant l’espace. D’où cette volonté de transparence. » Et ce travail minutieux qui, pour ne générer aucune façade pleine, a consisté à « trancher » le volume dans la diagonale et dans la hauteur en « parts » vitrées parallèles, selon une trame moyenne de 1,20 m. Le bâtiment est constitué de deux corps distincts d’une hauteur de 17 m, pour une surface totale de 46 000 m2. Un mastodonte qui a pourtant l’élégance de se faire tout petit grâce justement à ce système de modules tramés façon art optique, qui font office de brise-soleil. Selon l’angle dans lequel on se trouve ou l’heure de la journée, l’édifice se fait presque gracile, ou, a contrario, paroi infranchissable. Cette « pirouette » visuelle résulte d’« un mélange subtil de nécessité et de composition » (dixit l’architecte). Lesdits modules, préfabriqués en métal, se parent de béton blanc. Les plus espacés habillent les volumes en double hauteur, les moins lâches dissimulent des terrasses. Les poteaux sont minces, de même que les planchers, ce qui contribue encore à l’effacement du bâtiment. À l’intérieur, les bureaux, en open space, offrent une flexibilité extrême.

Sur l’avant, Avenida 24 de Julho, et sur l’arrière, Rua Dom Luis 1er, l’édifice se soulève un brin, libérant ainsi une vaste esplanade de 90 m de long. « Nous voulions donner aux habitants un espace public, indique Manuel Roca Mateus. C’est aujourd’hui la première place ombragée de la ville. » L’astuce ? Le hall d’entrée, donnée inéluctable pour un siège social, a tout bonnement dévalé d’un niveau, libérant ainsi le rez-de-chaussée. Sous les pans décollés du sol, se sont glissées les entrées du parking souterrain, lesquelles semblent littéralement avaler les véhicules en leurs entrailles, ou les régurgiter, c’est selon.
La nuit, les stores truffés de diodes électroluminescentes apportent une mise en lumière sophistiquée au bâtiment.

À l’extérieur, pas un sigle n’indique qu’il s’agit du siège d’EDP. C’est l’édifice tout entier qui sert de logo.

A voir
Siège social d’Energias de Portugal, Avenida 24 de Julho, 12, 1249-300 Lisbonne. Cet édifice est présenté dans l’exposition « Les Universalistes/50 ans d’architecture portugaise », jusqu’au 29 août, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 45, avenue du Président-Wilson, Paris-16e, www.citechaillot.fr

À savoir
Le nouveau siège d’Energias de Portugal – l’acronyme EDP signifiait Electricidade de Portugal – loge quelque 750 personnes. Le coût des travaux, selon Manuel Roca Mateus, s’élève à 68 millions d’euros. L’agence Aires Mateus a été fondée en 1988.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°690 du 1 mai 2016, avec le titre suivant : Brise-soleil cinétique

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