Art contemporain - Disparition

Bernard Rancillac (1931-2021)

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 8 décembre 2021 - 494 mots

Malakoff (Hauts-de-Seine). Lorsque nous lui avions demandé, un jour, pourquoi il était toujours grognon, Bernard Rancillac nous avait donné cette réponse aristotélicienne : « Je n’y peux rien, c’est dans ma nature. »

Et d’ajouter : « Mais je ne me plains jamais. Si on se plaint, c’est qu’on a perdu. En revanche, râler on peut : ça soulage et on se sent mieux après. Au moins on se souvient de moi comme le râleur le plus célèbre de la peinture contemporaine. » Rancillac est aujourd’hui très reconnu mais il ne râlera plus : il est décédé le 29 novembre, à 90 ans. Il était né en 1931 à Paris où, après une partie de son enfance passée en Algérie et son adolescence dans le Massif central, il reviendra en 1946 et fréquentera l’atelier Met de Penninghen.

Arrivé sur la scène artistique au milieu des années 1950 (sa première exposition personnelle a lieu à la galerie Le soleil dans la tête, à Paris, en 1955), Rancillac a d’abord fait un passage par l’abstraction. « Au tout début, j’étais carrément abstrait, pour être dans le coup. J’ai alors rencontré Télémaque, Monory, [Jan] Voss, Klasen… On s’est dit : la peinture abstraite est foutue, faisons autre chose… Ensuite, je me suis fait des ennemis avec mes blagues sur l’abstraction. J’avais dit, en public, à un peintre qui ne faisait que des cubes : “Tu ne peux pas te mettre à faire des boules ? Ça nous changerait un peu.” Son épouse m’avait traité de petit con. »

C’est d’ailleurs avec Télémaque et le critique d’art Gérald Gassiot-Talabot que Rancillac organise en 1964, à l’Arc, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’exposition « Mythologies quotidiennes » qui réunit une trentaine d’artistes et lance le mouvement de la « Figuration narrative », dont il trouve l’appellation et dont il est toujours resté l’un des chefs de file.

Si Rancillac n’a jamais eu sa langue dans sa poche, c’est aussi le cas de sa peinture qui se veut une réflexion caustique, subversive, sans concession sur les grands thèmes de société (consommation, culture, politique…). Une peinture engagée, même s’il disait n’avoir jamais été « un engagé politique, ni membre d’un parti », celle d’un artiste à l’écoute du monde qui va suivre l’actualité pour évoquer, dans des séries successives, aussi bien le cinéma, le sport, Mickey, le jazz dont il était féru que le Front Polisario, Ulrike Meinhof (bande à Baader), le conflit nord-irlandais, la guerre d’Espagne, la guerre civile algérienne, etc. Passionné par les battements du monde – « je me verrais mal aborder un paysage ou des petits chats », nous confiait celui qui habitait depuis plus de trente ans à Malakoff –, il en nourrissait ses toiles composées d’aplats de couleurs combinés à des scènes peintes empruntées à diverses sources (bande dessinée, photo de presse…) pour donner plus de force à son « message », même s’il n’aimait pas trop ce mot. Il lui préférait celui d’« impact visuel », qui caractérise le coup de poing, fort et frontal qu’assènent ses toiles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°579 du 10 décembre 2021, avec le titre suivant : Bernard Rancillac (1931-2021)

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