La nouvelle directrice de l’Opéra de Lille inaugure une nouvelle place de l’institution au sein de la ville, en favorisant les échanges artistiques et les ouvertures au public.
En Allemagne, où j’ai travaillé dernièrement, cela se passe plutôt ainsi. Mais j’ai en effet appris qu’en France ce cas de figure est très rare. Je trouve qu’assumer une programmation antérieure tout en prenant ses marques de direction crée un décalage très inconfortable. C’est important de pouvoir tout de suite transmettre aux équipes, puis au public, les grandes lignes du projet.
Avec Miron Hakenbeck, directeur de la programmation et de la dramaturgie avec qui j’ai travaillé à l’Opéra de Stuttgart, nous avons essayé d’ouvrir un opéra qui est fermé la plupart du temps en dehors des représentations lyriques. Nous avons imaginé quatre temps forts, quatre « Constellations », au moment où il y a des répétitions d’une œuvre sur le plateau. Nous avons mis en place des ateliers de danse, des concerts, des rencontres, autour des thèmes portés par les œuvres lyriques et dans une grande proximité avec les processus artistiques. On peut venir à l’opéra gratuitement et être libre de déambuler dans l’espace, soit pour suivre une activité proposée, soit juste pour se restaurer. Les propositions sont des petits formats, très courts, qui ne demandent pas à s’engager. Pour nous, l’opéra ne se résume pas à une soirée, où l’on vous demande d’entrer dans un monde à part pour un temps donné. Nous trouvons plus pertinent de sortir les sujets des œuvres et d’en faire des débats de société. Par exemple, autour de l’opéra L’Écume des jours d’Edison Denisov d’après le roman de Boris Vian, nous construisons la « Constellation d’automne » autour de la question de l’insouciance de la jeunesse confrontée au désenchantement de la réalité. C’est un sujet qui a une grande résonance avec l’époque actuelle.
Cette dynamique est assez exceptionnelle. Nous sommes partenaires de nombreuses structures artistiques comme Le Théâtre du Nord, Le Fresnoy, le palais des Beaux-Arts… Le public de Lille et de sa métropole profite de cette diversité, qui s’adresse à tous les publics. Il ne s’agit pas de hochkultur (haute culture) qui ne s’adresserait qu’aux élites. Cette envie de culture très répandue est un vrai point d’appui pour nous. Je pense que notre public est prêt à recevoir notre projet, car il n’a pas d’idée figée de ce que doit être un opéra, et à qui il est destiné.
C’est très politique. En Allemagne, un directeur est coopté par d’autres directeurs de structures culturelles, qui choisissent un candidat et font une proposition au ministère. En France, il y a un lien beaucoup plus direct avec les élus, ce qui a l’avantage d’obliger les directeurs à prendre en compte toutes les problématiques liées au territoire. On pense souvent que l’Allemagne est un eldorado pour l’opéra, car il y a de meilleurs financements, des troupes et des orchestres attachés à chaque maison. Mais ne pas en avoir, comme ici à Lille, donne aussi beaucoup de flexibilité dans la programmation. Cette liberté est un atout pour s’adapter aux contraintes budgétaires, tout en explorant de nouvelles solutions artistiques. Par nature, j’aime bien devoir me débrouiller !
26 €
C’est le prix moyen d’un billet à l’Opéra de Lille, tandis qu’il s’établit en général à 50 euros pour les scènes régionales et à 80 euros pour l’Opéra de Paris.
4 « Constellations » pour rythmer la saison 2025-2026. Chaque « Constellation » est constituée de propositions artistiques organisées autour d’une œuvre lyrique.
« En 2025-2026, nous célébrons le passage de relais de Caroline Sonrier à Barbara Eckle et un renouveau qui se construit sur des fondations identiques : ouverture, exigence, audace. » Marie-Pierre Bresson, adjointe au maire de Lille, déléguée à la culture
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Barbara Eckle : « Notre public n’a pas d’idée figée de ce que doit être un opéra »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°788 du 1 septembre 2025, avec le titre suivant : Barbara Eckle : « Notre public n’a pas d’idée figée de ce que doit être un opéra »








