Musique

Barbara Eckle : « Notre public n’a pas d’idée figée de ce que doit être un opéra »

Directrice de l’Opéra de Lille

Par Olivier Celik · L'ŒIL

Le 29 août 2025 - 672 mots

La nouvelle directrice de l’Opéra de Lille inaugure une nouvelle place de l’institution au sein de la ville, en favorisant les échanges artistiques et les ouvertures au public.

Les nouveaux directeurs héritent en général de la programmation de leur prédécesseur. Vous avez pu co-bâtir la saison 2025-2026…

En Allemagne, où j’ai travaillé dernièrement, cela se passe plutôt ainsi. Mais j’ai en effet appris qu’en France ce cas de figure est très rare. Je trouve qu’assumer une programmation antérieure tout en prenant ses marques de direction crée un décalage très inconfortable. C’est important de pouvoir tout de suite transmettre aux équipes, puis au public, les grandes lignes du projet.

Quelles sont-elles justement ?

Avec Miron Hakenbeck, directeur de la programmation et de la dramaturgie avec qui j’ai travaillé à l’Opéra de Stuttgart, nous avons essayé d’ouvrir un opéra qui est fermé la plupart du temps en dehors des représentations lyriques. Nous avons imaginé quatre temps forts, quatre « Constellations », au moment où il y a des répétitions d’une œuvre sur le plateau. Nous avons mis en place des ateliers de danse, des concerts, des rencontres, autour des thèmes portés par les œuvres lyriques et dans une grande proximité avec les processus artistiques. On peut venir à l’opéra gratuitement et être libre de déambuler dans l’espace, soit pour suivre une activité proposée, soit juste pour se restaurer. Les propositions sont des petits formats, très courts, qui ne demandent pas à s’engager. Pour nous, l’opéra ne se résume pas à une soirée, où l’on vous demande d’entrer dans un monde à part pour un temps donné. Nous trouvons plus pertinent de sortir les sujets des œuvres et d’en faire des débats de société. Par exemple, autour de l’opéra L’Écume des jours d’Edison Denisov d’après le roman de Boris Vian, nous construisons la « Constellation d’automne » autour de la question de l’insouciance de la jeunesse confrontée au désenchantement de la réalité. C’est un sujet qui a une grande résonance avec l’époque actuelle.

L’opéra est installé au cœur de la ville, dans un territoire qui a depuis longtemps misé sur la culture. Comment vous inscrivez-vous dans cette dynamique ?

Cette dynamique est assez exceptionnelle. Nous sommes partenaires de nombreuses structures artistiques comme Le Théâtre du Nord, Le Fresnoy, le palais des Beaux-Arts… Le public de Lille et de sa métropole profite de cette diversité, qui s’adresse à tous les publics. Il ne s’agit pas de hochkultur (haute culture) qui ne s’adresserait qu’aux élites. Cette envie de culture très répandue est un vrai point d’appui pour nous. Je pense que notre public est prêt à recevoir notre projet, car il n’a pas d’idée figée de ce que doit être un opéra, et à qui il est destiné.

Quel regard portez-vous sur l’administration de la culture en France ?

C’est très politique. En Allemagne, un directeur est coopté par d’autres directeurs de structures culturelles, qui choisissent un candidat et font une proposition au ministère. En France, il y a un lien beaucoup plus direct avec les élus, ce qui a l’avantage d’obliger les directeurs à prendre en compte toutes les problématiques liées au territoire. On pense souvent que l’Allemagne est un eldorado pour l’opéra, car il y a de meilleurs financements, des troupes et des orchestres attachés à chaque maison. Mais ne pas en avoir, comme ici à Lille, donne aussi beaucoup de flexibilité dans la programmation. Cette liberté est un atout pour s’adapter aux contraintes budgétaires, tout en explorant de nouvelles solutions artistiques. Par nature, j’aime bien devoir me débrouiller !

26 €

C’est le prix moyen d’un billet à l’Opéra de Lille, tandis qu’il s’établit en général à 50 euros pour les scènes régionales et à 80 euros pour l’Opéra de Paris.
 

4 « Constellations » pour rythmer la saison 2025-2026. Chaque « Constellation » est constituée de propositions artistiques organisées autour d’une œuvre lyrique.

 

« En 2025-2026, nous célébrons le passage de relais de Caroline Sonrier à Barbara Eckle et un renouveau qui se construit sur des fondations identiques : ouverture, exigence, audace. » Marie-Pierre Bresson, adjointe au maire de Lille, déléguée à la culture

Née à Zurich, Barbara Eckle a étudié à l’université d’Oxford et à l’École internationale de cinéma de Prague. De 2018 à 2020, elle est dramaturge d’opéras et de concerts à l’Opéra national de Stuttgart. Elle est nommée en 2020 directrice de la programmation musicale du festival Ruhrtriennale. En juillet 2025, elle prend la direction artistique et générale de l’Opéra de Lille. www.opera-lille.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°788 du 1 septembre 2025, avec le titre suivant : Barbara Eckle : « Notre public n’a pas d’idée figée de ce que doit être un opéra »

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque