Collection

Art environnemental

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 22 mai 2012 - 661 mots

SAINT-PAUL-DE-VENCE - S’il est un endroit où l’invitation faite à la collection Gori paraissait évidente, c’est bien la Fondation Marguerite et Aimé Maeght, à Saint-Paul-de-Vence, qui sans jamais avoir précisément axé son développement sur la problématique des liens entretenus entre nature et art fut édifiée dans un site remarquable, où Miró en son temps imagina un labyrinthe paysager empli de sculptures.

Installé en Toscane, Giuliano Gori acquiert en 1970 la Villa Celle, vaste domaine de 500 ha couvert de terres agricoles, à quelques encablures de Florence. L’homme est déjà collectionneur et a entrepris la réunion d’œuvres modernes et contemporaines attestant d’un goût sûr et affirmé, dont beaucoup interrogent l’espace et la place de la figure, et nombre d’autres, plus abstraites, s’engagent volontiers vers des perspectives cosmiques et immatérielles. De ces travaux adoptant un format « traditionnel », dans le sens où ils doivent être conservés dans un intérieur, une belle sélection est donnée à voir ici, italienne pour une grande part, mais pas seulement.

Si le collectionneur a, en 1974, cédé à la tendance de l’époque en se faisant tirer le portrait par Andy Warhol, beaucoup de créations s’annoncent plus intéressantes. À commencer par ces réflexions sur la surface et la texture, ouvrant la voie à des explorations plus mentales que l’on retrouve dans un tableau en bois d’Alberto Burri (Grande legno, 1958) ou une époustouflante toile d’Emilio Vedova (Nello Studio, 1956) confrontés à un étonnant collage de James Rosenquist incorporant papiers et miroir (Astronomical Blackboard, 1977). Ailleurs, Giaccomo Balla dialogue avec Magritte, De Chirico et Alberto Savinio. Quatre des artistes que le collectionneur a accompagnés dans la durée font en outre l’objet de salles dédiées. Parmi ceux-ci Robert Morris, avec en particulier ses œuvres en bronze évoquant un au-delà, et Fausto Melotti, sur lequel il faudra bien un jour qu’un musée français se penche sérieusement. Du très solide donc !

Une villa pour intégrer l’art à la nature
Mais la singularité de cette collection tient dans le tournant pris par Gori après l’acquisition de son domaine : il échafaude l’idée de consacrer les quelque 40 ha d’un parc bordant la villa à des projets in situ. Les invitations se multiplient, aboutissant à l’inauguration en 1982 d’une première salve de travaux mêlant considérations artistiques et environnementales – que traduit on ne peut plus clairement le titre de la manifestation : « Arcadia in Celle. L’art pour la nature, la nature pour l’art » – dans ce qui apparaît clairement aujourd’hui telle une réflexion anticipatrice d’autres expériences, à l’instar du domaine Inhotim, près de Belo Horizonte au Brésil, inauguré en 2006 par le collectionneur Bernardo Paz. Près de quatre-vingt projets ont depuis été édifiés, tandis que de nouveaux sont en commande. Là où le bât blesse, c’est qu’il est bien évidemment impossible de transporter ou transposer des œuvres monumentales et audacieuses imaginées pour un cadre spécifique, et que la plupart d’entre elles sont évoquées avec force dessins, croquis, photographies et maquettes, seules mais frustrantes alternatives possibles afin de les rendre perceptibles. Le tout dans des salles parfois un peu denses. Le visiteur ne boudera toutefois pas son plaisir à la découverte de cette liberté d’interpréter la nature laissée aux artistes, où trois directions essentielles se dessinent. Nombreux, à l’instar de Daniel Buren, Richard Serra, Ulrich Rückriem ou Beverly Pepper se montrent architectes ou bâtisseurs. Et tandis que certains esquissent la présence humaine et ses liens concrets à son environnement, comme avec ces masques en marbre accrochés par Stephen Cox sur une façade, d’autres font disparaître celle-ci au profit d’une approche où prédominent les éléments, le cosmos et une sensibilité métaphysique dans une salle qui se révèle être la plus sensible du parcours, avec en particulier une belle collaboration de Robert Morris et Claudio Parmiggiani. Reste à la fin de la visite un impérieux désir : entreprendre le voyage de Celle.

Arcadia in celle

- Commissaire : Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation

- Nombre d’artistes : 66

- Nombre d’œuvres et documents : 132

ARCADIA IN CELLE. L’ART POUR LA NATURE, LA NATURE POUR L’ART, jusqu’au 10 juin, Fondation Marguerite et Aimé Maeght, 623, chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul, tél. 04 93 32 81 63, www.fondation-maeght.com, tlj 10h-18h. Catalogue éd. Fondation Maeght, 208 p., ISBN 978-2-900923-54-2

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Art environnemental

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