Profession

Tourneur de porcelaine

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 25 novembre 2008 - 735 mots

Seule la Manufacture nationale de Sèvres emploie encore ces professionnels ;
l’un d’entre eux vient de recevoir le titre de maître d’art

Une exception comme savent les cultiver les grandes manufactures françaises héritées de l’Ancien Régime. Alors que cette étape de fabrication a disparu de toutes les fabriques de porcelaine – hormis pour quelques créations –, la Manufacture nationale de Sèvres, créée en 1740, maintient toujours son atelier de tournage de porcelaine. «  Cela participe du caractère exceptionnel du produit de Sèvres, précise Patrice Cloud, l’un de ces professionnels. Le tournage permet de fabriquer une grande variété de profils et offre une qualité et une finesse que l’on ne peut pas obtenir par coulage  ». Un tiers des productions de la manufacture sont fabriquées grâce à cette technique, les autres étant moulées ou coulées. Cette rareté du métier vaut aujourd’hui à Patrice Cloud d’intégrer la nouvelle promotion des maîtres d’art, ouverte désormais à quelques techniciens d’art du ministère de la Culture (lire le JdA n°291, 14  novembre 2008, p.  37). L’objectif de ce dispositif est, en effet, de favoriser la transmission des grands savoir-faire menacés de disparition, faute de formations. Conformément au projet, Patrice Cloud a donc accueilli pendant trois ans un stagiaire qui vient à son tour d’intégrer la manufacture où l’on dénombre encore sept tourneurs. Car l’atelier est encore très productif. Environ deux mille pièces, tasses, coupes, vases…, constituées chacune de plusieurs éléments, passent chaque année entre les mains des tourneurs. Ces objets ont une spécificité  : ils sont dits de «  révolution  » d’où leur fabrication sur un tour. «  La porcelaine est compliquée à mettre en forme  », observe Patrice Cloud. Après avoir choisi la pâte adaptée au projet, c’est-à-dire à la forme et au décor final, le tourneur pratique d’abord l’ébauchage de la pièce, à partir d’un dessin d’exécution. Celui-ci est établi par un dessinateur d’épures à partir du croquis original. Si la Manufacture réédite des pièces classiques, nombreux sont également les créateurs à lui livrer des modèles. Ainsi des designers Ettore Sottsass ou Borek Sipek, mais aussi des artistes Erik Dietman ou Jean-Luc Vilmouth, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux. L’ébauchage consiste à créer, à partir d’une balle de pâte, une forme massive, très épaisse mais précise en diamètre et en hauteur. Le tournassage permettra ensuite de l’affiner, après séchage, avec des outils en acier, afin d’obtenir la finesse recherchée. «  Le premier travail du tourneur, à son arrivée, est de fabriquer son matériel  », explique Patrice Cloud. Mais l’habitude visuelle compte aussi. «  Au début on casse beaucoup  !  », reconnaît-il. Le travail s’effectue intégralement à la main, sur le tour en rotation. Le tourneur doit donc répéter inlassablement les mêmes gestes, qui font l’excellence de la discipline. Fabriquées manuellement en série, les pièces se doivent d’être toutes identiques. «  Nous avons l’exigence d’un résultat industriel  », rappelle Patrice Cloud. La fatigue physique et oculaire, l’omniprésence de la poussière de silice et le côté répétitif du métier le rendent difficile. Mais Patrice Cloud ne cache pas sa fierté, mêlée d’un peu d’étonnement, de se voir aujourd’hui décerner le titre de maître d’art. Entré à 17  ans à la Manufacture nationale de Sèvres, en 1977, avec un CAP de modeleur en poche, il terminera probablement sa carrière dans cette «  grande famille  » où il est désormais le plus ancien tourneur. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a été choisi pour porter ce titre. À cela s’ajoutent ses aptitudes créatrices, rares chez les techniciens d’art, qui lui ont valu quelques prix et l’édition de plusieurs de ses pièces, dont le service à café Éclat en porcelaine tendre. Il n’en garde pas moins une grande modestie. Par respect pour les autres membres de l’atelier.

Formation

Il existe des formations de plusieurs niveaux à l’art de la céramique : CAP, BT Arts appliqués option céramique, BMA céramique, diplôme d’école d’art. La formation au tournage de porcelaine ne peut toutefois s’effectuer qu’en atelier.

Centre de formation de la Manufacture nationale de Sèvres : formation de trois ans aux vingt-sept métiers exercés dans les ateliers. Cette formation prépare au concours de technicien d’art du ministère de la Culture. Candidats âgés de 16 à 25 ans ressortissants de l’Union Européenne.

Pour intégrer la Manufacture nationale de Sèvres, il faut ensuite passer le concours de technicien d’art du ministère de la Culture : concours de catégorie B, ouvert en fonction des besoins de recrutement.

MAÎTRES D’ART : PROMOTION 2008, du 25 novembre 2008 au 4 janvier 2009, Salon carré, Galerie des Gobelins, 42, av. des Gobelins, 75013 Paris, tlj sauf lundi 12h30-18h30. Catalogue, éd. ministère de la Culture et de la Communication.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : Tourneur de porcelaine

Tous les articles dans Campus

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque