Mécénat

Sciences Po se lance dans la restauration

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2016 - 706 mots

Les campagnes de collectes de fonds du Plus Grand Musée de France pour restaurer des œuvres sont portées depuis cette année par des élèves de Sciences Po.

PARIS - « Ils ont l’enthousiasme de la jeunesse, et pourtant une démarche globale professionnelle et mature » : Olivier de Rohan-Chabot, président de la Sauvegarde de l’art français (SAF), ne tarit pas d’éloges sur la promotion 2015-2016 des élèves investis dans le projet du Plus Grand Musée de France, dont l’association est à l’initiative depuis 2013.
En 2015, elle s’est associée à Sciences Po, après deux années de collaboration avec la Junior Entreprise de l’École du Louvre et 355 000 euros collectés pour la restauration de 26 œuvres au cours des deux campagnes précédentes. « De très beaux résultats, mais la structure d’une Junior Entreprise rendait les opérations compliquées », explique Olivier de Rohan-Chabot. En d’autres termes, il fallait dégager un budget à l’intérieur des fonds collectés pour payer les étudiants dans le cadre de leur mission.

Cette année, c’est donc Sciences Po qui reprend la campagne, en intégrant Le Plus Grand Musée de France dans ses projets collectifs, validé par des crédits d’enseignement. L’établissement apporte son réseau au projet, en associant ses campus d’instituts d’études politiques en région (Le Havre, Dijon, Menton, Reims, Nancy, Paris set Poitiers) pour soutenir sept œuvres d’art grâce à trente-huit étudiants, tout au long de l’année universitaire, d’octobre à juin.

Des restaurations guidées
Contrairement à leurs aînés de l’École du Louvre, les jeunes étudiants n’ont parfois aucune notion en histoire de l’art. Pour les soutenir, la SAF a réuni un comité scientifique, charge à lui d’orienter les choix des étudiants sur les œuvres sélectionnées : « Il y a d’abord un coup de cœur, mais ensuite vient la question “Est-ce que ça a de l’intérêt ?” » explique Guillaume Kientz, conservateur au Musée du Louvre, ancien de Sciences Po, à la tête de ce comité.

Dans ce comité, Audrey Gay-Mazuel, conservatrice au Musée des arts décoratifs, a accompagné la campagne nancéenne pour restaurer une paire de bénitiers Daum installés depuis 1922 dans une petite église lorraine : « des œuvres de qualité muséale, emblématiques de la production locale, dans une typologie, le bénitier, très peu connue », souligne la conservatrice. L’association familiale des Amis de la cristallerie Daum a pris en charge la totalité des 6 000 euros nécessaires à la restauration. Le gros morceau de cette année est une huile sur bois du XVe siècle, une Vierge de Miséricorde de Louis Bréa, propriété des Pénitents noirs et abritée dans une chapelle de la Miséricorde du Vieux-Nice. Pour la restaurer, les élèves de Menton cherchent 40 000 euros, la DRAC en finançant la moitié.

Si le crowdfunding (financement participatif) fait partie de la palette de financement, les visites commentées, conférences ou concerts permettent de donner de la visibilité aux projets de restauration sur le plan local. À Reims, dans l’église Saint Maurice, L’incendie de la Cathédrale de Reims, une toile de Jean Enders datée de 1914, à deux pas de Sciences Po, fait l’objet de visites commentées organisées par les élèves.

Lors des dernières éditions, certains projets ont reçu un accueil mitigé auprès des représentants locaux ou des propriétaires. Les élèves de Sciences Po ont dû montrer patte blanche, en demandant l’appui des acteurs publics. Ils ont reçu le haut patronage de l’Élysée en 2016, concrétisé par une rencontre avec le président François Hollande en janvier. L’Association des Maires de France et le ministère de la Culture soutiennent également le projet. « Cela rassure les élus et les propriétaires », souligne Olivier de Rohan-Chabot. Parfois, les élus rechignent à médiatiser les campagnes, par peur des vols : « Mais si les œuvres sont connues et identifiées, elles deviennent invendables », explique Guillaume Kientz..

À Sciences Po et à la SAF, on ne veut pas en rester là : grâce au patronage de la Commission nationale française pour l’Unesco, le projet devrait s’exporter en Europe. Sur le modèle de la réunion d’une université-école, d’un comité scientifique, d’une association et d’une commission nationale pour l’Unesco, le Plus Grand Musée de France pourra voir le jour au Royaume-Uni, au Luxembourg, en Pologne ou en République Tchèque, qui se sont déjà dits intéressés par la démarche.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°458 du 27 mai 2016, avec le titre suivant : Sciences Po se lance dans la restauration

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