Emploi

Plumassier

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 14 avril 2006 - 765 mots

Jadis très répandu, ce métier d’art perdure aujourd’hui grâce à quelques rares professionnels œuvrant pour la haute couture, le spectacle ou la création.

C'est dans des boîtes perchées au-dessus des étagères encombrées des bureaux de la rue du Faubourg-Saint-Denis, à Paris, que Geneviève Renaud, directrice générale de la maison Lemarié, va chercher quelques-uns de ses trésors. Là sont soigneusement rangées, emballées dans du papier de soie, des pièces rares : un oiseau de paradis entier, avec ses longues plumes souples et éclatantes, ou encore un lophophore, espèce hybride entre le coq et le faisan vivant dans les vallées et les plaines de l’Himalaya, dont le plumage est d’un brillant métallique. Ces deux espèces sont désormais très rares dans les ateliers de plumassiers, car elles sont protégées comme les haras, les aigles ou les aigrettes par la convention de Washington (1975), qui en interdit la chasse. Une tolérance permet toutefois aux professionnels d’utiliser des stocks anciens ou des pièces dénichées dans des brocantes, en tenant compte des interdictions d’exportation vers certains pays, dont les États-Unis ou l’Angleterre. À condition de faire preuve de patience, la mue d’oiseaux d’élevage permet aussi, parfois, de s’approvisionner. Car cette ressource naturelle est utilisée depuis des siècles. Déjà, les Indiens d’Amazonie ou les Aztèques, détenteurs d’un savoir-faire parfaitement maîtrisé, appréciaient les pennes d’aigles ou de condors. Avant de devenir l’accessoire favori des modistes, le matériau a pu être utilisé pour la réalisation de décors intérieurs luxueux, comme en témoigne encore la « Chambre aux plumes » du château de Moritzburg (Allemagne) due à un artiste français, Le Normand, et achetée en 1723 par Auguste le Fort pour son palais japonais de Dresde. Depuis les Années folles, c’est aussi dans le domaine du spectacle que les plumassiers ont démontré leur talent, en fournissant boas, traînes et costumes aux plus célèbres établissements de la nuit parisienne.

Techniques manuelles
Chez Lemarié, la clientèle est toutefois exclusivement constituée des maisons de haute couture ou de prêt-à-porter de luxe. Créé en 1880, l’atelier de plumasserie est aujourd’hui l’un des rares à subsister, alors que la capitale en comptait plus de trois cents en 1900. Sa survie est aussi due à son activité de parurier floral et à Chanel – pour qui l’atelier fabrique les célèbres camélias – à qui André Lemarié, petit-fils de la fondatrice, a cédé son entreprise en 1997, faute d’héritiers. Les plumassières – le métier reste très féminisé – sont donc souvent polyvalentes et issues, pour la plupart, du dernier CAP « Art et accessoires de mode », qui forme aux deux spécialités. Si la formation se poursuit nécessairement par la pratique, l’enseignement de ce CAP permet d’acquérir les bases d’un métier qui exige une réelle méticulosité. Dans des ateliers où la machine n’est que très peu utilisée, deux techniques manuelles sont employées : le collage et le montage sur filin. Au préalable, il aura fallu répéter des étapes souvent fastidieuses. Les plumes sont en effet triées une à une en fonction de leurs caractéristiques : longueur, souplesse, couleur, aspect duveteux… Elles sont ensuite nettoyées, bouillies, et parfois teintes, avant d’être retravaillées individuellement à la vapeur pour être gonflées, frisées voire retaillées.

Sens de la composition
Mais cette application manuelle ne suffit pas, et le plumassier doit aussi être doté d’un sens de la composition chromatique et formelle. « Les bases techniques sont assez simples, mais la plumasserie est un art qui ne peut être décrit, explique Nelly Saunier, enseignante au sein du CAP et créatrice indépendante. Il s’agit d’un travail d’observation de la matière afin de reconnaître la qualité des plumes, pour savoir laquelle sera suffisamment souple pour tel usage. Et parfois, il faut aussi être capable de se dégager de sa propre technique. » Si son engagement en faveur de la formation est lié à sa volonté de pérenniser ce savoir-faire menacé, Nelly Saunier souhaite également « éveiller les jeunes à la création », en démontrant que la plume peut être utilisée au-delà du simple champ de la couture. Certaines de ses œuvres s’apparentent ainsi à des sculptures. « La plumasserie n’est pas qu’une fantaisie, c’est un métier. La demande est forte, mais son image est galvaudée et, trop souvent, les plumes sont utilisées sans que l’on sache les façonner. Or c’est une matière qui peut aussi stimuler l’imaginaire. »

Formations

Il n’existe plus qu’une seule formation en France consacrée à la plume et à la parure florale. - CAP Plumassière : lycée professionnel régional Octave-Feuillet, 9, rue Octave-Feuillet, 75116 Paris, tél. 01 45 20 41 47. Durée : 2 ans. La seconde année est commune au CAP Fleuriste en fleurs artificielles.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°235 du 14 avril 2006, avec le titre suivant : Plumassier

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