Meubles meublants, suite…

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 24 avril 1998 - 564 mots

Une note du ministère des Finances met un terme aux espoirs suscités en 1995 par un arrêt de la Cour de cassation, qui avait admis l’inclusion d’un tableau dans les meubles meublants susceptibles d’évaluation forfaitaire lors des déclarations de succession. Le fisc prend acte de la décision mais en cantonne les effets et rappelle que l’évaluation forfaitaire peut être remise en cause.

PARIS - Le 8 avril, le service de la Législation fiscale du ministère des Finances a publié au Bulletin officiel des impôts le commentaire d’un arrêt de la Cour de cassation du 17 octobre 1995 qui avait fait naître des espoirs concernant les successions. La Cour de cassation avait à l’époque donné tort à l’administration, qui estimait que l’évaluation forfaitaire des meubles meublants – souvent dénommée le “forfait de 5 %” – dans les déclarations de succession ne pouvait s’étendre à un tableau. Pour trancher, la Cour s’était référée à la définition du Code civil (article 534) qui précise que “les mots de meubles meublants ne comprennent que les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements (...) Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d’un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries et pièces particulières”. Dans l’affaire évoquée, qui concernait un tableau de Poliakoff, comme le fisc n’avait pas soutenu que le défunt “ait possédé une collection de tableaux ou que le tableau litigieux n’ait pas orné son appartement”, la Cour avait donc rejeté son argumentation. Dans son commentaire, l’administration fiscale prend acte de la décision et ajuste en conséquence ses instructions en distinguant les tableaux ayant le caractère de meubles meublants “destinés à l’ornement”, qui peuvent être inclus dans l’évaluation forfaitaire, et les autres “faisant partie d’une collection et exposés dans une galerie ou une pièce particulière”, qui en sont exclus. Le commentaire écarte également les œuvres “qui ne sont destinées ni à orner un appartement (meubles meublants) ni à être exposées (tableaux de collection)”, et précise que dans cette catégorie “entrent par exemple les tableaux conservés dans un coffre, ou simplement entreposés dans un appartement ou tout autre local”.

Rien qui remette radicalement en cause l’orientation donnée par la Cour de cassation, sauf peut-être les difficultés d’interprétation de la terminologie : on sait que le mode de présentation des œuvres ne résulte plus exclusivement d’un accrochage classique, et que certains amateurs apprécient une dépose à même le sol qui pourrait être considérée comme un simple entreposage. Quoi qu’il en soit, l’administration relativise immédiatement la portée des interprétations à venir en précisant que “les bases légales d’évaluation du CGI (art. 764), et plus spécialement du forfait de 5 % prévu à l’article 764-I-3°, sont susceptibles de céder devant la preuve contraire”. Prati­quement, si la valeur réelle des œuvres d’art ajoutée aux autres meubles meublants excède 5 % de l’actif successoral, l’assiette des droits de succession pourra être ajustée en conséquence. Dans ce sens, le commentaire rappelle que pour établir la preuve de la valeur réelle, peuvent être utilisés à titre de présomption les polices d’assurances – dilemme : doit-on sortir les tableaux des coffres sans les assurer ? –, les inventaires, le prix d’acquisition “à une date rapprochée”, voire même “la cote des œuvres les plus connues telle qu’elle ressort d’ouvrages ou de revues spécialisées”. L’hirondelle jurisprudentielle n’a donc pas fait le printemps fiscal des collectionneurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Meubles meublants, suite…

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