Londres défend un marché de 2,2 milliards de £

Les directives européennes face au contexte international

Le Journal des Arts

Le 5 décembre 1997 - 817 mots

Un rapport commandé par la British Art Market Federation (BAMF), la Fédération du marché de l’art britannique, présente pour la première fois des statistiques très précises sur l’état du marché au Royaume-Uni. Elles sont d’une importance capitale pour les Anglais dans leur lutte contre les propositions de la Commission européenne. La Grande-Bretagne, qui bénéficie d’un régime dérogatoire jusqu’en 1999, devrait en effet, au-delà de cette date, relever son taux de TVA sur les importations de 2,5 à 5 % et introduire un droit de suite, dont le taux varierait entre 2 et 4 %, sur les œuvres d’art exécutées au cours des soixante-dix dernières années.

LONDRES (de notre correspondante) - Les chiffres publiés par la BAMF soulignent que si la Grande-Bretagne occupe une place prépondérante sur le marché européen, c’est grâce à son système d’imposition. “Nous ne demandons aucun privilège particulier, a déclaré Anthony Browne, président de la Fédération. Nous voulons simplement que les directives adoptées tiennent compte du contexte international.” Il estime que l’entrée en vigueur de ces taxes serait catastrophique : “Les facteurs extérieurs qui menacent aujourd’hui le marché sont sans précédent”, et ajoute que si ces mesures sont appliquées, le marché londonien sera transféré à l’étranger, et principalement à New York. Le rapport souligne deux autres points : les maisons de vente et les marchands se partagent la moitié du chiffre d’affaires total, et ces derniers réalisent 50 % de leurs transactions auprès des maisons de vente.

Principales conclusions du rapport
- Le chiffre d’affaires total du marché de l’art et des antiquités au Royaume-Uni, pour l’exercice 1996, s’élève à 2,2 milliards de livres (21,6 milliards de francs) et se situe en seconde position derrière New York. Il concerne 10 000 entreprises employant près de 40 000 personnes.

- Les prestataires de services tels que les organisateurs de foires, transporteurs, assureurs, conservateurs et restaurateurs pèsent 250 millions de livres et emploient 11 000 personnes dans 1 700 en­treprises.

- Au total, 12 000 entreprises employant 50 000 personnes et générant 2,5 milliards de livres de dépenses sont concernées par ce marché qui, d’un point de vue économique, est supérieur à celui de l’industrie du disque et égal celui du livre. Par ailleurs, le total des dépenses des visiteurs étrangers dont le séjour en Grande-Bretagne est principalement motivé par le marché de l’art se monte à 2,8 milliards de livres. Ce secteur, qui se situe en seconde place, derrière le théâtre, et attire plus de devises étrangères que la musique ou le sport, rapporte 469 millions de livres au Trésor public. Un autre rapport émanant du ministère du Commerce et de l’Industrie et publié au début de l’année, indiquait que depuis leur assujettissement à la TVA au taux de 2,5 %, en 1994, les importations en Grande-Bretagne de marchandises provenant des pays extérieurs à la Communauté européenne avaient chuté de 40 %.

- Le montant des ventes réalisées en 1996, qui auraient dû être soumises au droit de suite, s’est élevé à 373 millions de livres. Si, du fait de l’introduction du droit de suite, ces ventes partaient se tenir à l’étranger, le manque à gagner pourrait atteindre 65 millions de livres.

La prépondérance des marchands
Quoique ne disposant d’aucun chiffre précis sur la situation des marchés new-yorkais ou européen, le fait qu’en Europe, la moitié des licences d’exportationpour l’art et les antiquités soient délivrées à Londres laisserait supposer que le marché du Royaume-Uni représente 50 % de l’ensemble du marché européen. À la British Antique Dealers Association (association des antiquaires britanniques), Henry Neville estime que Londres compte bien plus de marchands que n’importe quelle autre ville au monde, ce qui lui confère une situation unique en termes de qualité des marchandises et de niveau d’expertise. Pour Peter Brooke, ancien mi­nistre des Arts aujourd’hui à la tête de la BAMF, tout espoir n’est cependant pas perdu. En effet, la plupart des pays européens sont conscients que certaines industries doivent être considérées dans un contexte international, et non plus uniquement à l’échelle de l’Europe. “Ceux d’entre nous qui croient à l’Europe savent que les atouts de chaque pays doivent être renforcés et non érodés par les lois européennes.

Le marché britannique en est l’exemple type, et le rapport est éloquent à ce propos. L’érosion ne profite à personne, sauf à nos concurrents hors de l’Europe.” Ces conclusions ont été approuvées par l’Association des restaurateurs de tableaux britanniques, l’un des prestataires de services qui risque de perdre gros si le marché est transféré à l’étranger. “Certains professionels iront s’installer dans des pays extérieurs à l’Union européenne. D’autres se retrouveront au chômage, et le savoir et les techniques qui se transmettent depuis plus d’un siècle tomberont dans l’oubli.” Le rapport sur les effets de la TVA sur l’ensemble du marché européen de l’art, que la commission doit remettre avant la fin de 1998, devrait être crucial pour le lobby britannique dans sa lutte contre l’entrée en vigueur des nouvelles taxes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°49 du 5 décembre 1997, avec le titre suivant : Londres défend un marché de 2,2 milliards de £

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