Profession

Lithographe

Le Journal des Arts

Le 13 mai 2005 - 703 mots

Bicentenaire, la technique de la lithographie permet une impression dite « à plat », car elle ne crée pas de relief. Une vingtaine d’ateliers en France sont toujours les dépositaires de cette tradition.

Lithographie vient du grec lithos qui signifie pierre. La richesse du procédé repose uniquement sur la qualité d’une pierre qui servira de matrice à l’édition. Il s’agit de grandes plaques d’un calcaire pur et dense, au grain très fin. Son extraction des carrières de Solnhofen, près de Munich (Allemagne), étant arrêtée, cette pierre est précieuse et l’unique moyen de s’en procurer une nouvelle est de l’acheter lorsqu’un lithographe ferme boutique.
Jacques de Champfleury en possède un stock suffisant pour permettre toutes les tailles d’épreuves et toutes les qualités de finesse, celles-ci étant proportionnelles à la dureté des pierres. Dans son atelier parisien, tout ou presque est fait à la main. La première des étapes n’appartient qu’à l’artiste qui couvre la pierre d’un motif à l’aide d’un crayon lithographique ou d’une encre grasse. Toujours en noir, le sujet peut profiter des mêmes libertés que s’il était tracé sur un support classique, l’artiste utilisant des outils similaires. Une fois le dessin inscrit, la pierre est recouverte d’une solution d’acide nitrique et de gomme arabique pour une nuit. Cette opération modifie la nature chimique de sa surface et distingue les parties grasses, qui ont été dessinées, des parties maigres, restées vierges. Le lendemain, elle est rincée et nettoyée. Les traits disparaissent et la surface de la pierre paraît n’avoir jamais été travaillée. En réalité, la chimio-abrasion qui a été pratiquée a modifié le grain des parties laissées blanches, produisant une surface lisse qui n’accrochera plus l’encre. Quant aux parties qui étaient protégées par le dessin, elles n’ont pas été modifiées et seront de ce fait réceptives à l’encre. Le dessin, qui semble avoir disparu, va à nouveau se révéler lors de l’encrage. Pour ce faire, le lithographe utilise de l’« encre à monter », une matière épaisse, visqueuse et brillante, qui a la particularité de ne jamais sécher. À l’aide d’un rouleau, cette encre pâteuse est appliquée en plusieurs couches successives fines et croisées sur la pierre préalablement mouillée. Une feuille de papier, généralement « à la cuve », également humide, est enfin déposée sur la pierre, l’ensemble étant livré à la pression régulière d’une presse à bras.

Possibilités plastiques
Une fois pressée, la feuille est imprimée de la composition de l’artiste qui apparaît inversée. Les passages de la pierre sous la presse l’usent, c’est pourquoi la lithographie ne permet que des tirages limités à une centaine d’exemplaires. « Ce qui est inscrit sur la pierre ne tient que par le savoir-faire du lithographe, rappelle Jacques de Champfleury. Une pierre ne doit jamais rester inactive car elle encourt le risque de s’abîmer. Si elle n’est pas encrée, elle doit être protégée d’une couche de gomme arabique. »
Une nouvelle pierre est nécessaire pour chaque couleur. Une œuvre trichrome aura donc nécessité trois pierres différentes et trois passages successifs sous la presse. « Il est rare d’avoir plus d’une vingtaine de couleurs sur une même pièce, souligne le lithographe. Ceci dit, la palette des possibilités est quasiment infinie aujourd’hui, on trouve aussi bien des couleurs métalliques que fluorescentes. »
Les pierres de Munich étant rares, elles sont recyclées une fois l’impression terminée. Elles sont polies par paires, deux pierres étant disposées face à face et frottées l’une contre l’autre avec un mélange abrasif de sable et d’eau qui lisse leurs surfaces.
Considéré depuis presque un siècle comme un outil au service des artistes, au même titre que l’huile, l’aquarelle ou le fusain, la lithographie n’est aujourd’hui plus enseignée que dans certaines écoles de beaux-arts, à Paris notamment. Toutefois, ce n’est pas le métier de lithographe dans son aspect technique et artisanal que les élèves apprennent, mais bien les possibilités plastiques qu’offre ce médium. « Le seul moyen aujourd’hui de se former à cette profession, c’est d’entrer en apprentissage auprès d’un professionnel, constate Jacques de Champfleury. C’est un emploi physique, qui demande une certaine connaissance de l’image, des couleurs, beaucoup d’organisation, de patience et de méticulosité. Et puis il faut savoir entrer en relation avec les artistes, ce qui n’est pas toujours facile ! »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°215 du 13 mai 2005, avec le titre suivant : Lithographe

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