Profession

Cristallier

Le Journal des Arts

Le 18 mars 2005 - 755 mots

L’atelier des décors de la cristallerie transforme un verre ou un vase de cristal
en objet somptueux et raffiné.

À la manufacture de cristal Saint-Louis, à Saint-Louis-lès-Bitche (Lorraine), l’activité est divisée en deux pôles distincts. Le « chaud » réunit les métiers de la matière en fusion (lire le JdA n° 208, 4 février 2005. Les maîtres verriers cueillent, soufflent, moulent…, donnant forme à l’objet qui est ensuite conduit au « froid ». Cet autre univers de la fabrique est consacré aux décors. Les pièces, verres, vases ou lustres y entrent brutes, mais elles en ressortent parées de mille tailles, gravures ou dorures.
La première étape est le « compassage ». À l’aide de dessins techniques précis, des points de repère et des lignes sont inscrits au feutre sur la paraison de l’objet. Définis avec attention, ces quadrillages constitueront l’unique référent lors de la mise en place du décor taillé. Une fois recouvert d’un réseau arachnéen, l’objet est remis à un artisan spécialiste de la technique de décor qu’il doit recevoir.
Bon nombre de pièces passent entre les mains des tailleurs. Souvent, ce sont des hommes qui œuvrent devant les meules imposantes de l’atelier de taille. Une roue abrasive, en grès ou en pierre, y tourne vélocement pour attaquer et creuser le cristal dans son épaisseur. L’artisan doit faire preuve d’une grande précision pour respecter le tracé du compassage, mais aussi être d’une composition solide : certains vases, le modèle Versailles par exemple, pèsent jusqu’à 45 kg et sont inévitablement condamnés au rebut si le bras de l’homme fléchit. La variété des décors taillés, toujours conçus à partir de lignes droites, est surprenante : en amande, en biseaux, à carreaux ou en pointe de diamant, la taille permet également de créer des côtes, des facettes, des festons ou encore des rondeurs. Lorsqu’une pièce a été doublée de cristal coloré, c’est en la taillant qu’est mis à jour le jeu subtil de contraste entre la claire transparence de la matière simple et la tonalité vive de celle qui a reçu des pigments.

Gravure à l’acide
Les très fins décors incisés sont réalisés dans les ateliers de gravure. La roue et l’acide sont les deux techniques utilisées, chacune dans un registre spécifique. La première méthode emploie une roue abrasive de petites dimensions grâce à laquelle sont produites des scènes, souvent d’inspiration animalière ou florale. La gravure à l’acide autorise une extrême finesse de dessin. Grâce à un système de décalcomanie, un motif est transféré sur la paraison. À l’exception de ce sujet, l’ensemble de l’objet est recouvert de bitume de Judée avant d’être plongé dans un bain d’acide. Seules les parties laissées en réserve (le motif) sont rongées par le liquide. Une fois la pièce nettoyée, elle retrouve sa transparence cristalline, agrémentée d’un subtil décor en creux, plus ou moins profond suivant le temps qu’aura duré le bain corrosif.
Certains objets gravés sont rehaussés à l’or 24 carats liquide, appliqué au pinceau afin d’adhérer au motif. Une cuisson à 500° permet de fixer le précieux métal sur la paroi. Il est ensuite poli, puis rendu brillant par le « brunissage » : une pierre d’agate, réputée inusable, vient frotter l’or mat à sa sortie du four pour lui apporter l’éclat recherché sur une pièce d’apparat.
Viennent enfin les ultimes vérifications : les objets sont stables et décorés. Ils sont brillants et transparents grâce à la « trempe », un bain d’acide qui a très légèrement attaqué la surface du cristal pour l’embellir. Toutefois, une irrégularité peut avoir échappé à l’œil vigilant des contrôleurs. Or il est impensable qu’un verre ou un vase « baveur » quitte la prestigieuse manufacture. Les pièces sont donc soumises à une « tamponneuse ». Cette machine est en réalité un manomètre, sur lequel est posé le calice de l’objet. Si la pression augmente, la pièce est bonne et peut être ornée du poinçon de Saint-Louis. En revanche, si elle reste stable, il ne fait aucun doute que la paraison est percée et qu’elle ne pourra pas contenir de liquide sans baver. À chaque étape de cette longue chaîne du froid œuvrent des artisans très spécialisés qui ont patiemment acquis une maestria que seule une longue expérience autorise.

Formations

- CAP Technique du verre - BMA Art et technique du verre - CFA de Sarrebourg (CAP) : 22, rue de la Mésange, BP 60294, 57402 Sarrebourg Cedex, tél. 03 87 03 61 62 - Lycée professionnel Jean-Monnet d’Yzeure (CAP et BMA ) : 39, place Jules-Ferry, 03401 Yzeure, tél. 04 70 46 93 03

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°211 du 18 mars 2005, avec le titre suivant : Cristallier

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