Profession

Calligraphe

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2010 - 651 mots

Artisan du geste, Hassan Massoudy perpétue une calligraphie artistique métissée, entre Orient et Occident.

Dans son atelier lumineux du quai de la Loire (Paris 19e), en bordure du canal Saint-Martin, un pan de mur entier est consacré aux couleurs, soigneusement alignées dans une vitrine, dans des pots annotés d’une élégante écriture. Autant de pigments qui permettent à Hassan Massoudy (né en 1944) de préparer lui-même ses encres. « La calligraphie du texte était historiquement en noir et blanc, mais celle des monuments a toujours été colorée », explique-t-il, lui qui a découvert pour la première fois la calligraphie sur les monuments de sa ville natale, à Najaf, en Iraq. Aujourd’hui, ce sont les murs de son atelier qui sont envahis par les cursives. Celles-ci prennent parfois la forme de grands aplats de couleur abstraits, qui combinent pourtant sens des mots et esthétique. Dès l’enfance, Hassan Massoudy a appris à calligraphier les lettres, art traditionnel exercé par les écrivains publics de la ville du désert où il a grandi, et où le papier était encore rare et cher. À 17 ans, il s’installe à Bagdad pour devenir apprenti et passe dans l’atelier de plusieurs professionnels. « L’enseignement de maître à élève est très archaïque, mais en dehors de cela, il n’existe pas d’accès à la formation », constate-t-il.

Cette expérience lui permet d’acquérir la connaissance des codes de cet art requérant une grande patience, mais aussi la maîtrise des différents styles, du koufi géométrique au lyrisme du diwani.
Le contexte politique troublé de l’Iraq l’incite ensuite à s’installer en France, en 1969. Un exil qui s’accompagne de l’accomplissement d’un autre objectif : étudier aux Beaux-arts de Paris où il apprend la peinture figurative et se retrouve noyé dans un monde d’images étrangères à sa culture. Un apprentissage qui a profondément modifié son approche de la calligraphie. « Même si les problématiques sont identiques à celles de la peinture, avec le travail sur la ligne, l’espace ou la matière, la force de la culture occidentale s’impose à nous. Dans un monde où l’image est envahissante, l’abstraction a toute sa place. Et la calligraphie nous relie à un sens littéraire. » L’instrument traditionnel, le roseau taillé en calame par le calligraphe, a ainsi été adapté pour tracer de larges aplats grâce à un outil rigide en bois ou en carton.

Image et abstraction
Dès la fin de ses études, Hassan Massoudy s’est aussi rendu compte de la difficulté à imposer sa pratique dans le registre artistique occidental. C’est par le biais du spectacle, alliant chant, calligraphie et lecture, qu’il a commencé à gagner sa vie dans les années 1970. Ont suivi l’activité d’illustration d’ouvrages et celle de pédagogue, exercée dans le cadre d’ateliers « qui attiraient plus les amateurs que les artistes, déplore-t-il. Il n’existe pas de reconnaissance pour la calligraphie, ni dans le milieu artistique ni dans le milieu institutionnel. » C’est plutôt dans les guides des métiers d’art que son travail est évoqué. « Cela ne me dérange pas, souligne l’intéressé, qui peut aujourd’hui se consacrer à la création. Cette absence de reconnaissance m’a permis de rester libre. » Or, la pratique qu’il perpétue à Paris est paradoxalement en train de s’évanouir dans le monde arabe. Après une période d’apogée au Xe siècle à Bagdad – époque du traité fondateur d’Ibn Moqla –, la calligraphie est devenue un art officiel dès le XVIe siècle par la volonté des Ottomans qui dominent alors le monde arabe. « Au début du XXe siècle, il existait encore des milliers de calligraphes. Puis l’Empire ottoman s’est effondré et des écoles des beaux-arts de style occidental ont été créées. L’effacement de la calligraphie a été total dans les années 1960-1970. Aujourd’hui, il n’existe plus ni mécènes ni commandes. »

A lire

Hassan Massoudy, La Calligraphie arabe vivante, éd. Flammarion, 2010, 175 p., 30 euros, ISBN 978-2-0812-2894-8. Réédition récente d’un ouvrage qui mêle enseignement pratique et histoire de cet art ancestral.
Hassan Massoudy, Désir d’envol, une vie en calligraphie, éd. Albin Michel, 2008, 208 p., 55 euros, ISBN 978-2-2261-8169-5

A voir

Exposition de calligraphies de Hassan Massoudy, jusqu’au 2 août, cité royale de Loches, 37600 Loches, www.cg37.fr. Cat., éd. du conseil général d’Indre-et-Loire, 143 p., 11,5 euros, ISBN 978-2-9164-3409-4

Formation
Il n’existe pas d’enseignement de la calligraphe dans les écoles d’art. Seuls des stages pour amateurs sont dispensés.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°327 du 11 juin 2010, avec le titre suivant : Calligraphe

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