Enseignement

INCUBATEUR

À Versailles, un nouveau campus pour les métiers du patrimoine

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 3 décembre 2021 - 786 mots

VERSAILLES

Un campus des métiers et des qualifications vient d’ouvrir dans l’écrin prestigieux des Grandes Écuries royales. Un établissement inclassable d’une portée ambitieuse.

Les Grandes Écuries du Château de Versailles. © Thomas Garnier
Les Grandes Écuries du Château de Versailles.
© Thomas Garnier

Versailles. Les métiers du patrimoine connaissent depuis longtemps la tension que vit en ce moment le marché de l’emploi entre, d’un côté, un nombre encore trop important de chômeurs et de jeunes sans qualifications et, de l’autre, des filières qui peinent à trouver des candidats. Comme les trente-neuf autres campus des métiers et des qualifications (CMQ), le campus Versailles qui vient d’être inauguré le 9 novembre dernier veut rendre plus attractives les formations professionnelles (lycées professionnels, centre de formation d’apprentis) dans un territoire – l’Île-de-France – et cinq filières : patrimoine bâti, métiers d’art et de design, horticulture et espaces paysagers, gastronomie, accueil et tourisme.

Il bénéficie d’un écrin prestigieux, une partie des Grandes Écuries royales construites par Jules Hardouin-Mansart, mise à disposition gracieusement par le château de Versailles. L’idée de ce campus est en effet née d’une discussion entre Catherine Pégard, la présidente du château et Charline Avenel, la rectrice de l’académie de Versailles. À ces deux institutions tutélaires s’ajoutent l’université de Cergy-Pontoise et, dans une moindre mesure, la Région Île-de-France.

Il n’est pas facile de comprendre de prime abord ce que l’on trouve dans ce campus. D’autant que ce qui vient d’ouvrir est un « pilote » comme l’appelle Armelle Weisman, la directrice de l’association qui gère les lieux. Le « pilote » occupe 900 m² du Pavillon de tête de l’aile sud des Grandes Écuries, mais doit, d’ici 2025, investir 5 000 m² supplémentaires dans l’aile nord en cours de restauration.

Former des plâtriers

Campus Versailles (selon son appellation officielle) n’est pas un établissement classique de formation qui dispense des cours tout au long de l’année et délivre ses propres diplômes. Il fonctionne comme une tête de réseau des lycées professionnels et des centres de formation d’apprentis de la région avec l’appui de l’université de Cergy. Campus Versailles organise ainsi des « modules additionnels » de formation qui se déroulent soit dans ses locaux pour des enseignements théoriques, soit dans des entreprises ou des lieux patrimoniaux pour des mises en situation professionnelle.

Le premier cursus de ce type qui vient d’ouvrir concerne le métier de la plâtrerie traditionnelle qui souffre d’une désaffectation de candidatures avec, pour conséquence, la fermeture progressive des enseignements dans les lycées professionnels. Alors que, dans le même temps, les lieux patrimoniaux ont grand besoin de gypiers pour restaurer les moulures et autres ouvrages ornementaux en plâtre. Le syndicat professionnel des plâtriers (UFPI-FFB) a donc créé avec Campus Versailles une année de spécialisation post-bac qui se déroule au lycée Jean-Monnet à Montrouge, dans des entreprises et au château de Versailles. « Le château est très impliqué, explique Armelle Weisman, il met à notre disposition deux intervenants et l’accès aux chantiers de restauration ».

Campus Versailles a également créé, avec l’université de Cergy et plusieurs lycées, trois formations universitaires bac+1 validées par un diplôme universitaire (DU) qui permettent chacune à un petit groupe de jeunes bacheliers de découvrir et expérimenter les principaux métiers dans la filière de leur choix (patrimoine bâti, bois, agriculture-restauration) avant de s’engager dans la formation qui leur convient le mieux. Une démarche que les universités anglo-saxonnes pratiquent depuis des années dans les sciences humaines.

Un incubateur d’un nouveau genre

L’originalité des CMQ en général et de celui de Versailles en particulier – ce qui en fait des lieux inclassables, peu identifiés et leur conférant un aspect protéiforme –, réside dans la formation professionnelle des jeunes, mais aussi des adultes en reconversion, des partenariats avec les entreprises, des plateaux techniques partagés et des Fab lab [laboratoires de fabrication], des expositions pour le grand public, des colonies de vacances « apprenantes », des chambres d’étudiants… Outre le souci de revaloriser des métiers peu considérés – et pour les métiers du patrimoine ne pas perdre des savoir-faire –, leur ambition est de favoriser la « fertilisation croisée », la rencontre fortuite ou organisée entre des jeunes, des techniques, des entreprises afin de faire naître des initiatives nouvelles, notamment dans les vastes territoires du numérique et de la transition écologique.

Tout cela a un coût. Si l’on met à part la restauration des Grandes Écuries (2 M€ pour le Pavillon de tête et 25 M€ pour l’aile nord), le budget de fonctionnement de Campus Versailles est d’environ 1,5 million d’euros en année pleine dans sa phase pilote et de 3,5 millions d’euros après 2025. Compte tenu du nombre de jeunes qui sont susceptibles de transiter par Versailles, le coût par bénéficiaire se situe entre 500 et 1 500 euros. Un retour sur investissement suffisamment profitable pour que la BPI, la Banque des territoires (à travers le troisième Programme d’investissement d’avenir PIA 3), les fondations Bettencourt Schueller et Engie participent à l’aventure.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : À Versailles, un nouveau campus pour les métiers du patrimoine

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