Vente Dora Maar : un coup d’Etat ?

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 6 novembre 1998 - 445 mots

L’État a-t-il nui à la vente des Picasso de Dora Maar en accordant trop tardivement une autorisation de sortie à la Femme qui pleure et en exerçant lourdement son droit de préemption ? Le JdA confronte les points de vue de Françoise Cachin, directeur des Musées de France, et de Me Lucien Solanet qui a mené les négociations pour les commissaires-priseurs Piasa et Mathias.

PARIS - “Dès que nous avons eu le feu vert pour vendre, le 27 mai, nous avons entamé des discussions. Nous avons ouvert les collections ; les conservateurs sont venus travailler plusieurs fois à l’étude. Très vite, nous nous sommes rendus compte que deux dessins, Dora et le Minotaure et le Portrait de Max Jacob, les intéressaient. En revanche, le sort de la Femme qui pleure est resté en suspens jusqu’à la dernière minute”, affirme Me Solanet. “Nous avons formulé une demande de certificat le 10 juillet, pour ce tableau. La réponse nous est parvenue le 23 octobre, quatre jours avant la vente. Nous n’avons donc pas pu l’exposer à New York, et les acheteurs américains se sont fait à l’idée que le tableau ne pourrait pas sortir de France”, poursuit le commissaire-priseur.

“La première demande de certificat est arrivée le 22 juillet. Il y en a eu ensuite tous les jours ; la dernière nous est parvenue le 7 octobre. Nous voulions avoir une vision de l’ensemble avant de prendre nos décisions. La commission s’est réunie le 14 octobre. La loi prévoit un délai de réponse de un à quatre mois ; nous avons donc agi très rapidement”, se défend Françoise Cachin, pour qui “on ne peut pas prétendre que la Femme qui pleure s’est mal vendue”.

Autre pomme de discorde, les papiers déchirés, vendus séparément mais qui étaient globalement interdits de sortie et ont été en majorité préemptés par l’État. “Comment expliquer cette situation à un collectionneur étranger ? En final, le résultat a été plutôt moyen pour l’État puisqu’il n’a pas tout préempté”, commente Me Solanet. “Ces papiers constituaient vraiment pour nous un ensemble cohérent. Nous avions souhaité leur regroupement, ce qui a été refusé. Notre rôle est d’essayer de préserver les ensembles ; si nous ne les avions pas interdits de sortie, on nous l’aurait reproché”, répond le directeur des Musées de France. Trop de préemptions ? “Il n’y en aurait eu qu’une si les papiers avaient été regroupés !”. “Nous avions parfaitement conscience de l’importance de cette vente pour le marché français. En aucun cas nous n’avons voulu lui nuire. Nous aurions pu être plus gourmands. Le compte en valeur et en nombre des préemptions et des œuvres remises en dation est faible”, conclut Françoise Cachin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°70 du 6 novembre 1998, avec le titre suivant : Vente Dora Maar : un coup d’Etat ?

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