USA : prime à la décence

Le Journal des Arts

Le 11 septembre 1998 - 344 mots

S’il veut provoquer, l’artiste doit-il blâmer l’État de lui refuser des subsides ? La Cour suprême des États-Unis a tranché le débat, estimant que le critère de “décence�? imposé par le Congrès pour le versement de subventions aux artistes ne constituait pas une violation de la liberté d’expression.

WASHINGTON - La Cour suprême des États-Unis a jugé conforme à la Constitution que le Congrès exige du National Endowment for the Arts (NEA) qu’il tienne compte de la notion de “décence” lorsqu’il accorde des subventions aux projets artistiques. Par sa décision, elle reconnaît que l’instauration de ce critère ne menace pas directement la liberté d’expression, étant donné le caractère indicatif du contrôle de décence et l’absence de sanctions pénales. En 1990, le Congrès américain, furieux que le NEA ait financé les sulfureux travaux de Robert Mapplethorpe et d’Andres Serrano, avait exigé des restrictions sur les subventions, sommant l’institution de tenir compte des “notions élémentaires de décence et de respect à l’égard des diverses croyances et valeurs du public américain”. Quatre artistes mécontents avaient porté l’affaire devant deux tribunaux de Californie qui leur avaient donné raison.

Le contrôle de décence a été autorisé car la Cour Suprême n’y a vu qu’une “simple recommandation”, c’est-à-dire plus une exhortation qu’une obligation. Si l’on en croit la décision, il n’existe aucune “obligation catégorique” de décence dans l’art, et les normes de décence doivent être considérées comme une “recommandation”. Par ailleurs, la décision stipulait que l’histoire politique de cette loi prouvait bien qu’elle n’avait pas pour dessein de porter atteinte à la liberté d’expression. Le juge conservateur Antonin Scalia a rédigé une note séparée dans laquelle il juge “monstrueuses” les photographies érotiques de Mapplethorpe. Pour lui, le contrôle de décence “ne met pas fin à la liberté d’expression” mais signifie simplement que le gouvernement n’a pas à payer pour ça. “Les artistes d’avant-garde demeurent libres d’épater les bourgeois. Simplement, ils n’ont plus la satisfaction de voir leur travail financé par les impôts de la bourgeoisie.” Malgré ces restrictions, le budget du NEA devrait s’accroître, après les coupes des années précédentes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°66 du 11 septembre 1998, avec le titre suivant : USA : prime à la décence

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