Une donation contestée

Le petit-fils d’un peintre polonais s’oppose à une université jésuite américaine.

Le Journal des Arts

Le 24 avril 1998 - 480 mots

Pour l’Exposition universelle de 1939 à New York, un artiste polonais avait réalisé de grands tableaux d’histoire, retrouvés par son petit-fils dans une université jésuite américaine. Il a demandé au gouvernement polonais d’annuler le don de ces œuvres à Stephen de Ropp – qui lui-même les avait offertes au Le Moyne College –, car il n’en était pas propriétaire.

PARIS - Les problèmes de propriété consécutifs à la Seconde Guerre mondiale n’en finissent pas de resurgir. En l’occurrence, il ne s’agit plus de biens juifs spoliés, mais toujours d’œuvres d’art. Krzysztof Pruszkowsky, photographe polonais de 55 ans, a retrouvé aux États-Unis, dans une université jésuite, de grandes toiles exécutées par son grand-père, Tadeusz Pruszkowsky, pour le pavillon polonais de l’Exposition universelle de New York en 1939. Il en exige la restitution, afin de les présenter à Kazimierz-sur-Vistule, en Pologne, dans l’atelier du peintre. Ces tableaux avaient été donnés par le gouvernement de son pays au Suisse Stephen K. de Ropp, commissaire pour la Pologne, qui lui-même les avait offerts, en 1958, au Le Moyne College, à Syracuse, dans l’État de New York. Il les avait reçus en paiement de ses bons et loyaux services, car la Pologne, après le déclenchement de la guerre, ne disposait pas de l’argent nécessaire pour le rétribuer. Or, selon Krzysztof Pruszkowsky, son pays n’était pas propriétaire des toiles : à l’appui de cette conviction, il produit le catalogue de l’Expo­sition de 1939, dans lequel la propriété n’est pas indiquée, ce qui implique une présomption en faveur de l’artiste. Celui-ci a bien été payé, mais “l’argent versé pour réaliser la chose n’en­traî­ne pas le transfert de la propriété”, affirme Krzysztof Prusz­kowsky ; il s’agirait plutôt d’une commission.

Une fin de non-recevoir
Il s’adresse aujourd’hui au gouvernement polonais, car le Le Moyne College a opposé une fin de non-recevoir à toutes ses requêtes concernant les œuvres. Ces tableaux, assez médiocres d’après Krzysztof Pruszkowsky, avaient été réalisés par son grand-père et son atelier, à la demande du gouvernement, pour célébrer les riches heures de l’histoire nationale, dans un style proche des préraphaélites. En 1942, le peintre et quelques-uns de ses élèves avaient été arrêtés et exécutés par les nazis. Personne ne s’était donc soucié du sort des toiles après la guerre.

En s’appuyant sur la déclaration solennelle signée à Londres le 5 janvier 1943 par les Alliés, qui contestait les transferts de propriété portant sur les biens de personnes résidant dans des zones occupées par les nazis, Krzysztof Pruszkowsky demande l’annulation de la donation à Stephen de Ropp. Si la Pologne reconnaissait sa nullité, encore faudrait-il démontrer que le bénéficiaire avait connaissance des irrégularités juridiques. Krzysztof Pruszkowsky pense en avoir trouvé la preuve dans un document transmis par l’université : “Dans une description adressée par De Ropp à la bi-bliothèque du Le Moyne College, il reconnaît que les tableaux n’étaient pas la propriété du gouvernement polonais”, nous a-t-il affirmé.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : Une donation contestée

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